Chaque année, des centaines d’enfants étrangers sont enfermés par la France dans le cadre de sa politique migratoire. Ces mineurs vulnérables sont délibérément privés de leurs droits et exposés à des formes de violence qui les marquent durablement.
En 2018, plus de 200 enfants ont été enfermés par la France en raison du statut migratoire de leurs parents. Mais les conséquences de cet enfermement sont tragiques. Le psychanalyste Omar Guerrero a reçu au Centre Primo Levi plusieurs enfants passés par des centres de rétention et ce qu’il a observé est frappant : repli sur soi, refus de s’alimenter, insomnies… Sur les plus jeunes comme sur les plus âgés, l’enfermement occasionne des traumatismes durables.
Des parents qui ne sont plus à leur place
« Même bébé, l’enfant observe ses parents pour déterminer sa propre posture, expliquent les équipes du Centre Primo Levi. Or, quand on les enferme dans un centre fermé cerné de barbelés, ceux-ci sont nécessairement angoissés et anxieux et c’est ce qu’ils transmettent à leur enfant, qui a alors le sentiment d’avoir fait quelque chose de mal. L’enfermement trouble l’ordre normal des choses et cela se ressent même une fois que l’on est sorti du centre de rétention. J’ai rencontré un adolescent de 15 ans qui faisait encore des cauchemars, cinq ans après avoir été enfermé. »
Pour les mineurs qui ont connu l’enfermement, l’une des principales difficultés réside dans l’incompréhension de la situation. N’ayant pas les clés pour saisir ce qu’on leur reproche, ils nourrissent un sentiment de culpabilité et une angoisse qui minent leur développement et leur épanouissement. Ils sont également forcés de constater qu’on les traite de la même manière que leurs parents et que ceux-ci n’occupent plus une place d’autorité. « Quand les parents ne savent pas répondre à la question : ‘Qu’est-ce qu’on va manger ?’, qu’ils ne peuvent pas expliquer l’endroit où ils se trouvent, qu’ils sont démunis, comment accepter qu’ils puissent ensuite donner des injonctions ? Le père et la mère vont être ‘annulés’ », remarquent les équipes du Centre Primo Levi.
Des troubles physiques et psychiques pour les enfants
Avec l’enfermement, c’est la notion même d’autorité qui est remise en cause. « Quand les parents exercent leur autorité, ils n’ont pas besoin de bouger pour que l’action s’accomplisse. Mais dans le centre de rétention, on bascule dans l’autoritarisme, car on est alors physiquement obligé et retenu, on est maintenu en milieu fermé par la force. Cela entraîne un tournant psychique. Les enfants deviennent de fait plus violents car ils ont vu la violence être légitimée. »
Certains des enfants passés par le Centre Primo Levi manifestaient d’importants troubles mentaux ou physiques après avoir été enfermés. Plusieurs avaient développé un strabisme divergent « car ils n’ont pas pu éviter de regarder des situations traumatiques, la promiscuité d’un centre de rétention amenant à voir à l’excès ce que vivent les parents », indique le psychanalyste Omar Guerrero. Il se souvient aussi de cet enfant qui ne parlait plus à personne dans la cour de l’école, mais qui sautait sur les autres en criant : « Passeport ! Passeport ! » dès qu’on lui proposait de participer à un jeu.
Chez les parents, les dommages ne sont pas moindres puisque cette situation les plonge dans un sentiment de honte, d’impuissance, où leur autorité est dévoyée. Leurs enfants les accusent implicitement d’être à l’origine de leur malheur et cela mine des familles sur le très long terme. Tout le travail thérapeutique mené au Centre Primo Levi consiste à tenter de reconstruire des liens de confiance et à restaurer l’autorité des parents pour sécuriser les enfants. Ces dégâts pourraient être évités si une loi entérinait ce principe simple : on n’enferme pas un enfant.
C’est l’objectif poursuivi par UNICEF France et ses partenaires, notamment le Centre Primo Levi. Vous pouvez nous aider à y parvenir en agissant concrètement à nos côtés. Vous détenez la clé pour épargner à d’autres enfants ces traumatismes.