L’UNICEF France appelle à l’interdiction totale de l’enfermement et des mineurs non-accompagnés et des familles avec enfants en rétention et en zone d’attente. Aucune dérogation n’est acceptable lorsqu’on connait les conséquences dramatiques sur leur santé. Au quotidien, les enfants peuvent être confrontés à des événements traumatisants et évoluent dans un environnement violent et privatif de liberté.
Qu’est-ce qu’un centre de rétention administrative ?
Quand la préfecture estime qu’une famille n’a pas le droit de rester en France pour des motifs administratifs liés au droit au séjour, elle les enferme dans un centre de rétention administrative (CRA) afin de permettre leur expulsion. Des locaux de rétention administrative (LRA) sont également utilisés pour enfermer des enfants. Ils présentent des garanties inférieures à celles prévues dans les centres (assistance juridique facultative, équipements limités, absence de zone « adaptée » aux familles).
Combien d’enfants enfermés ?
En 2021, 76 enfants ont été enfermés en rétention en France métropolitaine et 3 135 enfants à Mayotte. Il s’agit d’enfants très jeunes :
26% des enfants avaient moins de 2 ans
29% étaient âgés de 2 à 6 ans
29 % avaient entre 7 et 12 ans
Depuis 2012, au moins 33 786 enfants ont été placés en rétention (dont plus de 1 460 en métropole et l’immense majorité à Mayotte) auxquels il faut ajouter les centaines d’enfants maintenus aux frontières et les dizaines de mineurs isolés placés par erreur en rétention.
Des mineurs non-accompagnés, considérés à tort comme des personnes majeures, sont également parfois enfermés dans ces centres.
L’administration refuse parfois à des familles et à des mineurs non accompagnés d’entrer sur le territoire français. Pour les personnes arrivant par des ports, aéroports ou gares desservant l’international, ces personnes peuvent être placées dans ce que l’on appelle une « zone d’attente » pour une durée allant jusqu’à 20 jours. En 2021, d’après les statistiques de la police aux frontières, il y a eu 309 mineurs enfermés en zone d’attente, dont 104 mineurs non-accompagnés.
Les conséquences de l’enfermement sur les enfants
Les conditions dans lesquelles les enfants en famille sont retenus ont de graves conséquences sur leur état général et plus particulièrement sur leur santé mentale : repli sur soi, refus de s’alimenter, insomnies, stress et stress post-traumatique.
Les enfants y sont potentiellement confrontés à des événements traumatisants (automutilations, suicides, tentatives de suicide, éloignements sous contrainte), et évoluent dans un environnement carcéral matérialisé par une présence policière constante, les appels réguliers aux haut-parleurs, les grillages, les barbelés et le bruit des verrous.
Ces impacts extrêmement dommageables pour le développement des enfants interviennent peu importe la durée de l’enfermement et même lorsque les centres de rétention sont dits ‘aménagés’ ou ‘adaptés’.
Le Commissaire Européen aux Droits de l’Homme l’a clairement signifié en rappelant que les espaces aménagés pour les familles en rétention ne sont pas un substitut acceptable.
Une pratique strictement contraire à l’intérêt supérieur des enfants
De plus, la Convention internationale des droits de l’enfant prévoit que « dans toutes les décisions qui concernent les enfants, […] l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ».
Le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies a insisté sur le fait qu’enfermer un enfant au motif du statut migratoire de ses parents est une violation des droits de l’enfant et est contraire au principe de l’intérêt supérieur de l’enfant.
Trouver une alternative conforme aux droits des enfants
Selon le Comité des Droits de l’Enfant, les mesures prises à l’encontre des familles ne devraient supposer aucune forme de privation de liberté et devraient être fondées sur une logique de soins et de protection, et non de répression.
Elles devraient être axées sur l’aboutissement de la procédure dans l’intérêt supérieur de l’enfant et assurer toutes les conditions matérielles, sociales et affectives nécessaires pour garantir la protection complète des droits de l’enfant et permettre le développement global de l’enfant.
En France, l’unique alternative à la rétention envisagée en l’état du droit est l’assignation à résidence. Tout comme le placement en rétention, cette pratique a connu une forte augmentation ces dernières années. On comptait 373 mesures en 2011, il y en a eu 8 791 en 2017. Elle constitue une mesure moins coercitive que la rétention car elle permet de préserver l’unité familiale et qu’elle protège les enfants des impacts négatifs de l’enfermement. Cependant, telle qu’elle est appliquée aujourd’hui, elle n’en demeure pas moins une mesure de contrôle, qui restreint la liberté d’aller et venir et qui a des impacts sur les droits des enfants, notamment lorsqu’elle oblige les parents à pointer au commissariat en présence des enfants lors des horaires scolaires.
Comment agit l’UNICEF pour les enfants en rétention ?
L’UNICEF a lancé dès 2018 une campagne de mobilisation et de plaidoyer pour obtenir l’interdiction de l’enfermement administratif des enfants. Soutenue par une vingtaine d’organisations, l’UNICEF France a organisé une visite au CRA du Mesnil Amelot avec un parlementaire, a rencontré le préfet de Moselle, a été auditionné par des parlementaires dans le cadre de travaux sur une proposition de loi et a porté des propositions auprès du gouvernement.
Nous avons alimenté les constats en recueillant l’expertise des associations de terrain intervenant dans l’accompagnement juridique des personnes en rétention (la Cimade, France terre d’asile, le groupe SOS Solidarités) et dans l’accompagnement médico-social des familles. Nous avons interrogé des soignants afin d’objectiver les impacts de la rétention sur les enfants. Plus de 177 000 personnes soutiennent la fin de l’enfermement administratif des enfants.
Néanmoins, si la loi est adoptée en l’état, des milliers d’autres enfants continueraient à être enfermés en toute légalité, parce qu’ils auraient plus de 16 ans, qu’ils résideraient à Mayotte ou qu’ils seraient privés de liberté aux frontières ou dans les locaux de rétention administrative.
Saisissons cette opportunité