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Alors que la guerre fait rage au Soudan, des millions d'enfants sont déplacés et les services de santé sont interrompus. Les taux de malnutrition aiguë sévère chez les enfants de moins de cinq ans explosent avec plus de 700 000 enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère.© UNICEF/UNI409665/Awad
Nasra, 10 mois, est diagnositqué en malnutrition sévère au Centre de Santé de Al-Dabbaghah au Soudan. © UNICEF/UNI409665/Awad

122 millions de personnes supplémentaires sont touchées par la faim depuis 2019

Les dernières études montrent qu’environ 735 millions de personnes sont actuellement victimes de la faim, contre 613 millions en 2019.

Rome/New York/Genève/Paris – Plus de 122 millions de personnes de plus sont victimes de la faim dans le monde depuis 2019. Ce chiffre alarmant est la conséquence de la pandémie et des crises climatiques répétées, ainsi que des conflits, notamment la guerre en Ukraine, selon le dernier rapport sur l’état de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde (SOFI) publié aujourd’hui conjointement par cinq institutions spécialisées des Nations unies.

Si les tendances restent les mêmes, l’objectif de développement durable visant à mettre fin à la faim d’ici 2030 ne sera pas atteint, préviennent l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le Fonds international de développement agricole (FIDA), le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF), l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et le Programme alimentaire mondial (PAM).

Un signal d’alarme pour la lutte contre la faim

L’édition 2023 du rapport révèle qu’entre 691 et 783 millions de personnes ont souffert de la faim en 2022, avec une fourchette moyenne de 735 millions. Cela représente une augmentation de 122 millions de personnes par rapport à 2019, avant la pandémie de COVID-19.

Bien que le nombre de personnes souffrant de la faim dans le monde ait stagné entre 2021 et 2022, de nombreuses régions du monde sont exposées à des crises alimentaires de plus en plus graves. Des progrès dans la lutte contre la faim ont été observés en Asie et en Amérique latine, mais la faim a continué d’augmenter en Asie occidentale, dans les Caraïbes et dans toutes les sous-régions d’Afrique en 2022. L’Afrique reste le continent plus touché, avec une personne sur cinq souffrant de la faim, soit plus du double de la moyenne mondiale.

« Il y a des lueurs d’espoir, certaines régions sont en passe d’atteindre certains objectifs nutritionnels pour 2030. Mais dans l’ensemble, nous avons besoin d’un effort mondial intense et immédiat pour préserver les objectifs de développement durable. Nous devons renforcer la résilience face aux crises et aux chocs qui aggravent l’insécurité alimentaire – des conflits au climat », a déclaré le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres, dans un message vidéo lors du lancement du rapport au siège de l’ONU à New York.

Les chefs des 5 agences des Nations unies, le directeur général de la FAO, QU Dongyu, le président du FIDA, Alvaro Lario, la directrice exécutive de l’UNICEF, Catherine Russell, la directrice exécutive du PAM, Cindy McCain et le directeur général de l’OMS, Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus écrivent dans l’avant-propos du rapport : « Il ne fait aucun doute que la concrétisation de l’Objectif de développement durable « Faim zéro » d’ici à 2030 représente un défi de taille. En effet, on prévoit que près de 600 millions de personnes seront encore confrontées à la faim en 2030. Les principaux facteurs de l’insécurité alimentaire et de la malnutrition sont notre « nouvelle normalité », et nous n’avons pas d’autre choix que de redoubler d’efforts pour faire évoluer les systèmes agroalimentaires et les mettre à profit pour atteindre les objectifs de développement durable 2 (ODD 2). »

Au-delà de la faim

La situation en matière de sécurité alimentaire et de nutrition est restée préoccupante en 2022. Le rapport indique qu’environ 29,6 % de la population mondiale, soit 2,4 milliards de personnes, n’avaient pas un accès régulier à la nourriture, comme le montre la prévalence de l’insécurité alimentaire modérée ou sévère. Parmi elles, environ 900 millions de personnes étaient confrontées à une insécurité alimentaire grave.

Parallèlement, la capacité des populations à accéder à une alimentation saine s’est détériorée dans le monde entier : plus de 3,1 milliards de personnes dans le monde – soit 42 % – n’avaient pas les moyens de s’offrir un régime alimentaire sain en 2021. Cela représente une augmentation globale de 134 millions de personnes par rapport à 2019.

Des millions d’enfants de moins de cinq ans continuent de souffrir de malnutrition : en 2022, 148 millions d’enfants de moins de cinq ans (22,3 %) souffraient d’un retard de croissance, 45 millions (6,8 %) d’émaciation et 37 millions (5,6 %) de surpoids.

Des progrès ont été constatés en ce qui concerne l’allaitement maternel exclusif, 48 % des enfants de moins de six mois bénéficiant de cette pratique, ce qui est proche de l’objectif de 2025. Toutefois, des efforts plus soutenus seront nécessaires pour atteindre les objectifs de 2030 en matière de malnutrition.

L’urbanisation fait évoluer les systèmes agroalimentaires

Le rapport considère également l’urbanisation croissante comme une « mégatendance » qui influe sur la façon dont les gens se nourrissent et sur ce qu’ils mangent. Étant donné que près de 7 personnes sur 10 devraient vivre dans des villes d’ici à 2050, les gouvernements et les autres acteurs qui s’efforcent de lutter contre la faim, l’insécurité alimentaire et la malnutrition doivent chercher à comprendre ces tendances à la hausse de l’urbanisation et en tenir compte dans l’élaboration de leurs politiques.

En particulier, le simple concept de clivage entre les zones rurales et urbaines ne suffit plus pour comprendre comment l’urbanisation façonne les systèmes agroalimentaires. Une perspective plus complexe de continuum rural-urbain est nécessaire pour prendre en compte à la fois le degré de connectivité des personnes et les types de connexions qui existent entre les zones urbaines et rurales.

Pour la première fois, cette évolution est documentée de manière systématique dans onze pays. Le rapport montre que les achats de denrées alimentaires sont importants non seulement parmi les ménages urbains, mais aussi dans l’ensemble du continuum rural-urbain, y compris pour ceux qui résident loin des centres urbains. Les nouveaux résultats montrent également que la consommation d’aliments hautement transformés augmente également dans les zones périurbaines et rurales de certains pays.

Malheureusement, des inégalités géographiques subsistent. L’insécurité alimentaire touche davantage de personnes vivant dans les zones rurales. L’insécurité alimentaire modérée ou grave touche 33 % des adultes vivant dans les zones rurales et 26 % dans les zones urbaines.

Télécharger le rapport complet ICI.

Citations

La malnutrition des enfants présente également des spécificités urbaines et rurales : la prévalence du retard de croissance est plus élevée dans les zones rurales (35,8 %) que dans les zones urbaines (22,4 %). L’émaciation est plus élevée dans les zones rurales (10,5 %) que dans les zones urbaines (7,7 %), tandis que la surcharge pondérale est légèrement plus fréquente dans les zones urbaines (5,4 %) que dans les zones rurales (3,5 %).

Le rapport recommande que pour promouvoir efficacement la sécurité alimentaire et la nutrition, les interventions politiques, les actions et les investissements soient guidés par une compréhension globale de la relation complexe et changeante entre le continuum rural-urbain et les systèmes agroalimentaires.

Catherine Russell, directrice générale de l’UNICEF : « La malnutrition est une menace majeure pour la survie, la croissance et le développement des enfants. L’ampleur de la crise nutritionnelle exige une réponse plus forte axée sur les enfants, notamment en donnant la priorité à l’accès à des régimes alimentaires nutritifs et abordables et à des services de nutrition essentiels, en protégeant les enfants et les adolescents contre les aliments ultra-transformés et pauvres en nutriments, et en renforçant les chaînes d’approvisionnement alimentaire et nutritionnel, y compris les aliments fortifiés et thérapeutiques pour les enfants. »

M. QU Dongyu, directeur général de la FAO : : « Le relèvement après la pandémie de Covid-19 n’a pas été homogène, et la guerre en Ukraine a limité l’accès à des aliments nutritifs et sains. Dans cette “nouvelle normalité”, le changement climatique, les conflits et l’instabilité économique compromettent encore davantage la sécurité les personnes à la marge. Nous ne pouvons pas nous contenter de notre approche habituelle. » 

Alvaro Lario, président du FIDA : « Un monde sans faim est possible. Ce qui nous manque, ce sont les investissements et la volonté politique de mettre en œuvre des solutions à grande échelle. Nous pouvons éradiquer la faim si nous en faisons une priorité mondiale. Les investissements dans les petits exploitants agricoles et dans leur adaptation au changement climatique, l’accès aux intrants et aux technologies, ainsi que l’accès au financement pour la création de petites entreprises agroalimentaires peuvent faire la différence. Les petits producteurs font partie de la solution. S’ils sont correctement soutenus, ils peuvent produire plus de nourriture, diversifier leur production et approvisionner les marchés urbains et ruraux – en fournissant aux zones rurales et aux villes des aliments nutritifs produits localement. »

Cindy McCain, directrice exécutive du PAM : « La faim augmente alors que les ressources dont nous avons besoin de toute urgence pour protéger les plus vulnérables diminuent dangereusement. En tant qu’humanitaires, nous sommes confrontés au plus grand défi que nous n’ayons jamais connu. La communauté mondiale doit agir rapidement, intelligemment et avec compassion pour inverser la tendance et renverser le cours de la faim. Au PAM, nous nous engageons à travailler avec tous nos partenaires – anciens et nouveaux – pour créer un monde où plus personne ne se demande quand viendra son prochain repas. »

Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l’OMS : « L’émaciation chez l’enfant reste à un niveau inacceptable et aucun progrès n’a été enregistré dans la réduction de la surcharge pondérale chez l’enfant. Nous avons besoin de politiques publiques, d’investissements et d’actions ciblés pour créer des environnements alimentaires plus sains pour tous. »

Notes aux rédactions : L’état de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 

L’état de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde est un rapport annuel préparé conjointement par l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le Fonds international de développement agricole (FIDA), le Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF), le Programme alimentaire mondial (PAM) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Depuis 1999, il suit et analyse les progrès réalisés dans le monde pour éradiquer la faim, assurer la sécurité alimentaire et améliorer la nutrition. Il fournit également une analyse approfondie des principaux défis à relever pour atteindre ces objectifs dans le contexte du Programme de développement durable à l’horizon 2030. Le rapport s’adresse à un large public, notamment aux décideurs politiques, aux organisations internationales, aux institutions académiques et au grand public.

Le thème de cette année est aligné sur le « Nouvel agenda urbain » de l’Assemblée générale des Nations unies et complètera et guidera les discussions du Forum politique de haut niveau 2023 – en particulier sur les villes et communautés durables (ODD 11), et surtout pendant le segment ministériel de 3 jours du forum qui se tiendra du 17 au 19 juillet 2023 et dans la période précédant l’ODD.

Glossaire des termes clés

Insécurité alimentaire aiguë : insécurité alimentaire constatée dans une zone donnée à un moment précis et d’une gravité telle qu’elle menace les vies ou les moyens de subsistance, ou les deux, indépendamment des causes, du contexte ou de la durée. Il est pertinent pour fournir une orientation stratégique aux actions qui se concentrent sur des objectifs à court terme pour prévenir, atténuer ou réduire l’insécurité alimentaire aiguë sévère. Cet indicateur est utilisé dans le Rapport mondial sur les crises alimentaires (FSIN et Réseau mondial contre les crises alimentaires 2023).

Faim : sensation inconfortable ou douloureuse causée par une alimentation insuffisamment énergétique. Dans ce rapport, le terme faim est synonyme de sous-alimentation chronique et est mesuré par la prévalence de la sous-alimentation (PoU).

Malnutrition : état physiologique anormal causé par un apport inadéquat, déséquilibré ou excessif de macronutriments et/ou de micronutriments. La malnutrition comprend la sous-nutrition (retard de croissance et émaciation chez l’enfant, carences en vitamines et minéraux) ainsi que le surpoids et l’obésité.

Insécurité alimentaire modérée : niveau de gravité de l’insécurité alimentaire auquel les personnes sont confrontées à des incertitudes quant à leur capacité à obtenir de la nourriture et ont été contraintes de réduire, à certains moments de l’année, la qualité et/ou la quantité de nourriture qu’elles consomment en raison d’un manque d’argent ou d’autres ressources. Il s’agit d’un manque d’accès régulier à la nourriture, qui diminue la qualité de l’alimentation et perturbe les habitudes alimentaires. Elle est mesurée à l’aide de l’échelle d’expérience de l’insécurité alimentaire et contribue à suivre les progrès accomplis dans la réalisation de la cible 2.1 de l’ODD (indicateur 2.1.2).

Insécurité alimentaire grave : niveau de gravité de l’insécurité alimentaire auquel, à un moment donné de l’année, les gens ont manqué de nourriture, ont connu la faim et, dans les cas les plus extrêmes, sont restés sans manger pendant un jour ou plus. Il est mesuré à l’aide de l’échelle d’expérience de l’insécurité alimentaire et contribue à suivre les progrès accomplis dans la réalisation de la cible 2.1 de l’ODD (indicateur 2.1.2).

Sous-alimentation : état dans lequel la consommation habituelle de nourriture d’un individu est insuffisante pour lui fournir la quantité d’énergie alimentaire nécessaire au maintien d’une vie normale, active et saine. La prévalence de la sous-alimentation est utilisée pour mesurer la faim et les progrès vers la cible 2.1 des ODD (Indicateur 2.1.1).