Déclaration d’Adeline Hazan, présidente de l’UNICEF France, suite à l’adoption à l’Assemblée nationale de la proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic
Paris, le 4 avril 2025 – « Mardi, l’Assemblée nationale a adopté la proposition de loi “visant à sortir la France du piège du narcotrafic”. Si la lutte contre ce fléau est essentielle, il est préoccupant que les enfants n’aient pas été pris en compte lors de son élaboration et regrettable que cette loi n’ait pas été conçue en cohérence avec les spécificités de la justice pénale des mineurs.
Bien que des mesures inadaptées, notamment certains dispositifs de renseignement et d’enquête, aient été supprimées en séance, le manque de garanties apportées aux enfants dans le cadre des dispositions votées ne permet pas de dissiper toutes inquiétudes. La création d’un parquet national anticriminalité organisée, les nouvelles interdictions dont les mineurs pourront faire l’objet, la création d’un nouveau motif de résiliation du bail pour trouble à l’ordre public -risquant de multiplier les expulsions locatives de familles avec enfants- sont susceptibles d’entraver directement ou indirectement la réalisation des droits des enfants.
L’UNICEF France regrette également que la lutte contre l’exploitation criminelle ait été ignorée dans cette législation. Une avancée notable a néanmoins été obtenue : la possibilité d’anonymiser les professionnels du travail social accompagnant des mineurs exploités dans le cadre de procédures pénales, afin de les protéger des menaces – une mesure que soutenait notre organisation. Par ailleurs, la loi prévoit désormais une aggravation de peine lorsque des infractions liées aux stupéfiants sont commises en ayant recours à des personnes vulnérables, contraintes ou abusées dans leur intégrité physique ou psychologique. Si ces premières avancées reconnaissent l’existence des logiques d’exploitation, elles restent largement insuffisantes face à l’enjeu majeur de l’exploitation criminelle des mineurs, qui relève de la traite des êtres humains.
Les mineurs sont des cibles privilégiées des trafiquants. Conformément au droit international, leur prise en charge devrait inclure des dispositifs spécifiques de protection. La politique pénale, en mettant l’accent sur la poursuite des mineurs impliqués dans la criminalité organisée sans considérer leur possible exploitation, renforce involontairement les logiques de traite : les exploiteurs ne sont pas suffisamment visés, la traite est alors moins risquée et plus rentable, et les victimes potentielles, considérées comme auteurs, sont moins enclines à collaborer avec les forces de l’ordre.
L’UNICEF appelle le gouvernement à prendre toute la mesure de cet enjeu en mettant en place un groupe de travail interministériel sur l’exploitation criminelle des mineurs afin de construire une réponse permettant de prévenir efficacement les recrutements, d’identifier et de protéger réellement ces enfants. »