Lors de son passage au Comité français de l’UNICEF, Carla Haddad Mardini, Directrice de la collecte de fonds privés et des partenariats de l’UNICEF, s’est exprimée sur la crise au Liban, le rôle du secteur privé et les défis de 2025. Elle témoigne.
Vous êtes libanaise et avez connu la guerre civile et régionale. Quels souvenirs en avez-vous ? Est-ce que cette période a été déterminante dans votre choix de carrière ?
Oui absolument. Je fais partie de la génération qu’on appelait « les enfants de la guerre » de 1975-1976.
J’ai eu la chance d’avoir une famille soudée avec des parents qui nous racontaient des histoires pour faire face aux moments difficiles qu’on traversait. Je me souviens parfaitement d’une phrase que mon père me répétait souvent : « Tant que nous pouvons entendre les bombardements et les raids aériens, c’est que nous sommes encore en vie ». C’était des mots difficiles à entendre, surtout pour une enfant, mais cela me permettait de ne pas perdre espoir.
Mon enfance et mon adolescence ont implicitement façonné mon choix de carrière et accru mon intérêt pour le droit international humanitaire et ma sensibilité à la cause de l’enfance, et plus particulièrement au bien-être et à l’éducation des enfants.
Pourtant, les horreurs de la guerre et des conflits se poursuivent et les violences que subissent aujourd’hui les enfants sont inouïes et c’est ce qui m’attriste le plus.
Le Liban a connu de nombreuses crises, dont l’explosion du port de Beyrouth le 4 août 2020, qui a généré un grand élan de générosité. Avez-vous constaté la même mobilisation avec la reprise du conflit en 2024 ?
Malheureusement non. Les dons n’ont pas eu l’ampleur que nous espérions. Je pense qu’il y a une sorte de « fatigue » des donateurs face à toutes les crises qui se multiplient.
Pour les équipes de l’UNICEF sur place, qui prennent des risques tous les jours, qui sont sur les lignes de front, à acheminer l’aide humanitaire, à prodiguer assistance et protection aux enfants, il est très difficile de constater que notre appel d’urgence est sous-financé à 80%.
La diaspora libanaise a un rôle très important à jouer dans la mobilisation envers les organisations internationales, comme l’UNICEF. Nous mettons en place des programmes qui s’inscrivent dans la durée pour renforcer les capacités du système libanais et permettre aux structures institutionnelles de résister aux chocs successifs.
J’ai d’ailleurs eu le plaisir d’assister à une table-ronde sur le Liban organisée à l’ambassade du Liban en France, à Paris, le 13 décembre dernier consacré à la situation des enfants libanais, en présence de personnalités libanaises et franco-libanaises.
En quoi le soutien du secteur privé est important pour les actions de l’UNICEF ?
Les organisations internationales, telles que l’UNICEF, sont soutenues par des financements publics, mais cela n’est pas suffisant pour répondre à l’augmentation des besoins humanitaires et à la multiplication des crises.
Nous l’avons vu pendant la pandémie de Covid-19, le soutien des entreprises partenaires, et du secteur privé de façon globale, nous a permis d’être plus efficace et de pouvoir répondre à l’urgence de la crise sanitaire en 2020.
Et ce, que ce soient les urgences humanitaires qui se succèdent et qui perdurent (un conflit dure 10 à 15 ans en moyenne) ou les catastrophes naturelles dues au changement climatique, la participation du secteur privé est cruciale pour une organisation comme la nôtre.
En tant que Directrice de la collecte de fonds privés et des partenariats de l’UNICEF, comment envisagez-vous l’année 2025 ?
2025 semble s’annoncer comme une année difficile pour le secteur humanitaire et les organisations internationales, dont l’UNICEF, en raison des coupes budgétaires publiques annoncées par les gouvernements européens (Allemagne, Pays-Bas, France, l’Union européenne, etc.).
Il faudra créer des mécanismes de financement nouveaux et innovants pour mobiliser les ressources et être en mesure de faire face aux défis qui nous attendent (conflits armés prolongés, enjeux climatiques, enjeux de protection de l’enfance, enjeux de développement, etc.). Nous devons redoubler d’efforts et travailler en synergie pour accélérer la mise en œuvre des objectifs de l’UNICEF et des objectifs de développement durable.
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