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Discours de la directrice générale de l'UNICEF, Catherine Russell, lors de la conférence d'Oslo sur la protection des enfants dans les conflits armés

Oslo, le 6 juin 2023 – « Excellences, honorables invités, collègues… merci de vous être joints à nous pour cette conférence internationale sur la protection des enfants dans les conflits armés.

Permettez-moi tout d’abord de remercier nos aimables hôtes – le gouvernement norvégien pour son leadership constant en matière de protection des enfants en situations de conflit, le CICR pour sa collaboration et son engagement dans l’établissement de normes internationales pour la protection des enfants, et Save the Children pour son partenariat avec nos équipes dans le monde entier en vue de protéger les enfants de tous les dangers.

Je tiens également à remercier le RSSG Gamba pour son puissant plaidoyer sur l’agenda relatif aux enfants dans les conflits armés, l’Union africaine pour ses efforts visant à renforcer les systèmes de protection des enfants sur tout le continent, ainsi que l’OCHA et toutes les autres organisations ici présentes pour leur collaboration avec l’UNICEF afin d’atteindre les enfants touchés par les crises humanitaires.

Excellences, aujourd’hui, 400 millions d’enfants à travers le monde vivent dans des zones de conflit ou les fuient, ce qui représente un enfant sur cinq, soit plus que la population de certains pays.

En temps de guerre, ce sont les enfants qui souffrent en premier, et qui souffrent le plus. Ils perdent des membres de leur famille et des amis. Ils sont victimes de violences sexuelles.  Ils sont tués ou blessés, souvent par des armes explosives utilisées dans des zones peuplées. Ils sont recrutés et utilisés par des forces ou des groupes armés. Et beaucoup sont déplacés à plusieurs reprises, au risque d’être séparés de leur famille, de manquer des années d’éducation essentielles et de rompre les liens avec leur communauté.

Les Nations unies ont vérifié plus de 315 000 violations graves des droits de l’enfant dans des zones de conflit entre 2005 et 2022.

Il s’agit d’enfants qui ont été tués, mutilés, recrutés ou utilisés par des forces armées, enlevés ou victimes d’horribles violences sexuelles. En outre, des milliers d’écoles ont été attaquées ou détruites.  Et ce ne sont là que des cas qui ont été vérifiés, ce qui signifie que le nombre réel de violations est très certainement beaucoup plus élevé.

Derrière chacun de ces chiffres se cache l’histoire d’une souffrance enfantine inimaginable ; de droits violés et de droits bafoués.

Au cours de mes voyages, j’ai rencontré bien trop d’enfants touchés par les conflits.

En Ukraine, j’ai rencontré un adolescent gravement handicapé dont la famille se bat pour le mettre à l’abri chaque fois que les raids aériens retentissent… et ils retentissent souvent à mesure que cette effroyable guerre se poursuit. 

À Alep, en Syrie, j’ai rencontré des enfants qui avaient péniblement lutté pour survire à la guerre et commençaient à reconstruire leur vie, avant qu’un terrible tremblement de terre ne vienne à nouveau tout bouleverser.

Au Yémen, j’ai rencontré un enfant qui avait perdu ses deux jambes après avoir été blessé par une attaque de mortier.

En République démocratique du Congo, j’ai rencontré un garçon tellement traumatisé par la violence qu’il pouvait à peine parler, tandis qu’une fillette me partageait son histoire d’enlèvement et les années de violence sexuelle subies.

Chacune de ces histoires est une tragédie.  Prises dans leur ensemble, elles sont l’accusation d’un monde qui a abandonné trop d’enfants dans le besoin.

Pour le bien de ces enfants, nous devons faire mieux. A commencer par la mise en place d’une réponse solide en matière de protection de l’enfance afin d’atteindre tous les enfants dans le besoin, qu’ils se trouvent en zones de conflit ou qu’ils soient en situation de déplacement à la recherche de sécurité.

Ces services doivent s’appuyer sur les systèmes de protection existants et les structures communautaires et soutenir les droits, la participation et l’intérêt supérieur des enfants. 

C’est une grande ambition. Mais nous pouvons y parvenir en investissant dans les politiques, le personnel et les programmes de protection de l’enfance.

Tout d’abord, nous devons donner du poids aux politiques qui placent les enfants et leur protection au centre de l’action humanitaire. Nous savons déjà comment les États peuvent y parvenir en donnant la priorité à l’intérêt supérieur des enfants dans leurs lois et leurs pratiques.

Les organisations internationales et les ONG doivent également placer la protection des enfants au cœur de leurs politiques et de leurs stratégies.

Aujourd’hui, j’ai le plaisir d’annoncer que l’UNICEF va mettre en œuvre une politique de protection et de responsabilité qui inclura spécifiquement la protection des enfants dans toutes ses activités, y compris l’éducation, l’eau et l’assainissement, et les soins de santé.

Deuxièmement, nous devons investir dans les personnes qui constituent la colonne vertébrale de notre personnel de protection de l’enfance – nos travailleurs sociaux, nos intervenants de première ligne et nos mobilisateurs communautaires.

Notre personnel de protection doit être mieux équipé, avec la capacité et les connaissances nécessaires pour surveiller l’impact de la guerre sur les enfants.

Chaque histoire et chaque contexte est différent, et le personnel de protection doit donc être en mesure de répondre aux multiples vulnérabilités et aux besoins spécifiques des enfants touchés par les conflits armés. Il doit également disposer des outils nécessaires pour défendre sans relâche la sécurité des enfants, en exigeant par exemple que les belligérants ne recourent pas à l’utilisation des armes explosives en zones peuplées.

Comme vous l’avez entendu tout au long de la conférence, le mécanisme de surveillance et de signalement des Nations unies est essentiel pour informer les décideurs politiques de l’impact réel de la guerre sur les enfants… et pour faciliter l’engagement avec les parties au conflit. Il s’agit d’un travail très sensible et, malheureusement, il est également très difficile de mobiliser des ressources pour le soutenir.

C’est pourquoi l’UNICEF s’engage aujourd’hui à couvrir 50 % du coût annuel du personnel chargé de surveiller, documenter et vérifier les graves violations commises à l’encontre des enfants … et de s’engager auprès des parties au conflit.  

Nous travaillerons avec nos partenaires pour mobiliser les ressources supplémentaires nécessaires à l’accomplissement de ce mandat essentiel.

Enfin, nous devons investir dans des programmes de protection de l’enfance de qualité qui répondent à l’évolution des circonstances et des besoins. Cela signifie qu’il nous faut trouver de meilleurs moyens de collaborer et d’impliquer les enfants et les communautés dans la conception des programmes de protection. Cela signifie également qu’il faut proposer des programmes adaptés aux réalités locales.

La réintégration des enfants en est un excellent exemple. Nous avons soutenu avec succès des dizaines de milliers d’enfants ayant quitté des forces ou des groupes armés.

Mais la réintégration de ces enfants est souvent douloureuse et très complexe, à la fois pour les enfants eux-mêmes mais également pour les communautés dans lesquelles ils retournent. Toutes les parties impliquées dans ce processus ont demandé que ces efforts soient davantage soutenus.

L’UNICEF répond à ces appels et soutient le RSSG Gamba, qui a joué un rôle essentiel dans ce domaine.

Au cours des 18 derniers mois, l’UNICEF a réuni ses partenaires pour poser les bases d’une initiative mondiale sur la réintégration des enfants qui vise à transformer la façon dont nous soutenons les enfants qui ont quitté les forces et les groupes armés. L’UNICEF s’est engagé à lancer cette initiative et à fournir les services et le soutien que ces enfants demandent et méritent.

Avant de conclure et au nom de l’UNICEF, je tiens à remercier nos partenaires donateurs, y compris nos hôtes d’aujourd’hui, qui financent les actions de protection des enfants dans les conflits armés. Votre soutien rend ce travail possible. Je suis profondément reconnaissante envers les nombreux partenaires qui s’efforcent de protéger les enfants, même dans les contextes les plus difficiles.

Protéger les enfants est un choix. Tout comme mettre leur vie en danger, les enrôler dans un conflit et nier ouvertement leurs besoins sont également des choix.

La guerre et les conflits sont le fait des adultes. Les enfants ne déclenchent pas les guerres et ils sont impuissants à y mettre un terme. Au minimum, nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour protéger les enfants des dangers et des privations provoqués par ceux qui s’engagent dans des conflits.

En ce jour, j’exhorte tous les États et toutes les parties prenantes à se joindre à nous pour faire le bon choix… protégeons les enfants d’aujourd’hui afin qu’ils puissent grandir et créer un monde plus pacifique demain ; pour toutes les générations futures. »