Déclaration de Catherine Russell, directrice générale de l’UNICEF, lors de la session spéciale de l’ECOSOC sur Haïti.
Le 2 décembre 2024 – « Ambassadeur Rae, Excellences, collègues, bonjour. Je suis heureuse d’être parmi vous à l’occasion de cette importante discussion sur la crise humanitaire qui sévit en Haïti.
Aujourd’hui, je m’exprime à la fois en tant que Directrice exécutive de l’UNICEF et en tant Défenseuse principale de la situation humanitaire en Haïti au sein du Comité permanent interorganisations.
Excellences, la catastrophe humanitaire en Haïti continue de s’aggraver. Chaque jour, les Haïtiens endurent parmi les pires abus et atteintes à leur vie qui puissent exister.
Les atrocités visant les enfants sont quotidiennes
Les groupes armés commettent régulièrement de graves violations des droits de l’enfant, y compris des meurtres et des mutilations. Depuis le début de l’année, nous avons constaté une augmentation stupéfiante de 1000 % du nombre d’incidents de violence sexuelle signalés à l’encontre d’enfants.
C’est une abomination. Pour ajouter à l’horreur, les groupes armés recrutent et utilisent activement des enfants dans leurs opérations. Nous estimons que les enfants représentent 30 à 50 % des membres des groupes armés, tandis que le nombre total d’enfants enrôlés par ces derniers a augmenté de 70 % au cours de l’année écoulée. Ces enfants sont utilisés comme informateurs, cuisiniers et esclaves sexuels, et sont contraints de commettre eux-mêmes des actes à caractère violent.
À travers le pays, 5,5 millions de personnes, dont 3 millions d’enfants, ont besoin d’une aide humanitaire, la plupart d’entre elles souffrant d’une grave insécurité alimentaire. Plus de 700 000 personnes – dont 365 000 enfants – sont aujourd’hui déplacées à l’intérieur du pays et vivent dans des camps ou des abris surpeuplés.
Les services de base tels que l’eau, l’assainissement et les soins de santé se sont effondrés, exposant les enfants et les familles à des risques accrus de maladies, notamment le choléra. À Port-au-Prince, de nombreux hôpitaux et centres de soins ont été contraints de fermer pour des raisons de sécurité. Par ailleurs, 1,5 million d’enfants n’ont plus accès à l’éducation.
Entraves régulières à l’aide humanitaire
Pour ne rien arranger, la violence et l’insécurité compromettent régulièrement la capacité des acteurs humanitaires à atteindre les Haïtiens dans le besoin. Notre accès aux zones contrôlées par les groupes armés reste limité alors que 2,7 millions de personnes, dont 1,6 million de femmes et d’enfants s’y trouvent encore.
Par conséquent, des centaines de milliers d’enfants et de familles vivant dans des communautés assiégées sont largement coupés de l’aide humanitaire.
Etendre la réponse humanitaire
Malgré la violence et les difficultés d’accès, les travailleurs humanitaires continuent d’apporter de l’aide aux personnes dans le besoin. Depuis le début de l’année, l’UNICEF et ses partenaires ont distribué à plus de 259 000 personnes des fournitures essentielles pour l’eau, l’assainissement et l’hygiène, fourni à 183 000 enfants et femmes des services de santé primaire, dépisté l’émaciation chez 323 000 enfants de moins de cinq ans et apporté un soutien psychosocial à 61 000 autres.
Malheureusement, les conditions s’aggravent de jour en jour et nous devons étendre d’urgence la réponse humanitaire.
Cela exige un soutien renforcé de la part de la communauté internationale. Le plan de réponse humanitaire 2024 pour Haïti n’est aujourd’hui financé qu’à hauteur de 43 %. Les secteurs sous-financés critiques incluent la protection de l’enfance, l’éducation et la nutrition.
L’UNICEF invite les États membres à prendre des mesures urgentes pour répondre aux besoins humanitaires croissants en Haïti. Cela implique d’augmenter le financement flexible des opérations humanitaires, d’investir dans les services sociaux de base et l’aide au développement pour soutenir le rétablissement, et de soutenir le travail de la Mission Multinationale d’Appui à la Sécurité.
Protéger tous les enfants sans discrimination
En outre, l’UNICEF poursuit son appel à tous les acteurs et groupes armés afin qu’ils protègent les droits de l’homme, qu’ils mettent fin aux violations graves des droits de l’enfant, qu’ils cessent les attaques contre les infrastructures civiles, qu’ils libèrent immédiatement tous les enfants de leurs forces armées, et qu’ils facilitent l’accès sans entrave des travailleurs humanitaires pour qu’ils puissent atteindre en toute sécurité les communautés dans le besoin.
L’UNICEF appelle également la Mission Multinationale d’Appui à la Sécurité et la police haïtienne à accorder la priorité à la sécurité et à la protection de tous les enfants, y compris ceux recrutés et utilisés au sein des groupes armés. Des protocoles de transfert appropriés doivent être mis en place pour garantir que tous les enfants rencontrés lors d’opérations militaires soient remis en toute sécurité aux acteurs civils de la protection de l’enfance en vue de leur réadaptation et de leur réintégration.
Excellences, le peuple haïtien a bien trop souffert, et ce bien trop longtemps. La communauté internationale dispose des outils et des ressources nécessaires pour aider le pays à sortir de cette crise et à s’engager sur la voie d’un rétablissement durable.
Le peuple haïtien, et en particulier les enfants d’Haïti, comptent sur nous. Nous ne devons pas les décevoir.
Merci. »