L’actrice, réalisatrice et mannequin de Laetitia Casta est nommée Ambassadrice de l’UNICEF France et s’engage pour les 250 millions d’enfants qui vivent dans des zones de conflit. De retour du Tchad, où elle a rencontré des familles touchées directement par le conflit et la crise humanitaire qui frappent la région, elle nous parle de son engagement…
Pourquoi avoir choisi de vous engager aux côtés de l’UNICEF ?
Parce que les enfants sont toujours les premières victimes, les plus touchés, ceux qui souffrent le plus… mais ils incarnent aussi l’espoir !
Cet engagement n’est pas un coup de tête, il a toujours fait partie de moi ; aujourd’hui c’est le moment pour moi de porter une voix, celle de tous ces enfants qui manquent de tout – protection, eau potable, éducation… Je n’ai pas la prétention de pouvoir déplacer des montagnes, mais je veux contribuer à faire bouger les choses.
J’étais déjà très touchée par la question des enfants soldats. L’UNICEF m’a parlé de son combat pour la protection des enfants dans les conflits, et de la possibilité d’aller au Tchad rencontrer des victimes, recueillir leur témoignage et voir les programmes de prise en charge. Je savais que je ne reviendrais pas tout à fait la même après cette mission… Et ça n’a pas manqué. Un vrai changement s’est opéré, j’ai plus que jamais l’intime conviction de vouloir défendre et soutenir la cause des enfants et des femmes. C’est le début d’un combat, un engagement qui prendra plusieurs formes – j’ai tourné des images là-bas pour faire un film, et j’aimerais également collecter des fonds…
Quelle est la situation des enfants au Tchad ?
Le Tchad et ses pays voisins sont en proie à une crise humanitaire terrible, due aux violences de Boko Haram et à l’assèchement du lac – conséquence du réchauffement climatique. Aujourd’hui dans cette région, 1,4 million d’enfants sont déplacés, et au moins 1 million sont toujours piégés dans des zones inaccessibles ! Ils manquent d’eau potable, de soins de santé, souffrent de malnutrition, sont privés d’école, exposés à des traumatismes extrêmes…
J’ai rencontré des jeunes filles, mariées de force avant 18 ans… et obligées de commettre des attentats suicides ! Elles en sont les premières victimes, certaines en sortent handicapées à vie et lourdement traumatisées. On leur a arraché la vie, on leur a tout pris…
La peur est partout, les gens sont terrifiés. Ils voient leurs proches kidnappés, égorgés, violés, ils fuient dans la brousse, se retrouvent séparés… J’ai rencontré une famille qui a fui sept fois, avec cinq enfants, en pirogue sur le lac. Ces gens n’ont rien, ils sont dans la plus grande misère et se font massacrer ! Il faut impérativement faire quelque chose.
L’UNICEF est très actif, j’étais sidérée : ils sont actifs partout ! Avec leurs partenaires, ils soignent les enfants malnutris, vaccinent contre les maladies mortelles, donnent accès à l’eau potable, font des recherches pour réunir les enfants séparés et leur famille, construisent des écoles et forment des professeurs… C’est une immense chaîne.
L’action est visible, mais son impact positif également : par exemple quand on voit qu’un enfant, pris en charge dans des ateliers d’expression pour du soutien psychologique, qui dessine le premier jour des gens égorgés et d’autres qui fuient en pirogue… et qu’au bout de quelques temps il commence à dessiner des fleurs et des enfants qui jouent ! L’UNICEF fait un travail extraordinaire, en profondeur et sur le long terme. Mais le contexte est tellement difficile… et les fonds manquent pour répondre aux besoins de tous les enfants.
Qu’est-ce qui vous a marquée le plus lors de cette mission ?
Au-delà de la situation terrible de ces enfants et leurs familles, j’ai été frappée par leur courage et leur résilience. Ils m’ont accueillie avec un tel espoir, de tels sourires, une telle joie de vivre ! Chaque rencontre a été un moment fort. Chaque enfant, chaque femme que j’ai pris dans mes bras, chaque homme à qui j’ai serré la main… aurait pu être mon enfant, ma sœur, mon père !
J’ai joué au foot avec des jeunes filles – j’étais en jogging-baskets, et je sentais que ça montait en cardio… alors qu’elles étaient en robe, pieds-nus, et avaient une énergie débordante ! On formait une équipe, une vraie équipe, qui avait envie de gagner ensemble. L’arbitre nous a appelées « les gazelles enragées » ! Elles donnaient tout, exprimaient ce qu’elles ne peuvent pas exprimer autrement peut-être… une rage de vivre.
Les rencontres avec le personnel de l’UNICEF ont été très fortes aussi : à chaque fois je me disais « ça existe vraiment des gens comme ça, avec une telle empathie ?! » C’est difficile à expliquer avec des mots d’humain… ce sont des anges. J’ai envie de rassurer les donateurs de l’UNICEF, de leur dire « donnez, parce que votre argent est vraiment utilisé pour les enfants, par des gens qui ont une conviction inébranlable, déploient chaque jour une énergie et un amour fous pour ces petits. »
Une dernière chose : il faut vraiment éveiller nos consciences en Europe. Nous sommes dans la surconsommation et avons peur d’accueillir ceux qui fuient la misère et la violence et viennent chercher refuge chez nous… alors que les familles tchadiennes sont complètement démunies, et pourtant elles accueillent les déplacés et réfugiés des alentours, et partagent le peu qu’elles ont !
Quel sera votre premier combat en tant qu’ambassadrice de l’UNICEF ?
Faire en sorte que la France signe la « Déclaration de sécurité dans les écoles » ! Tout comme les hôpitaux, les écoles doivent être protégées dans les zones de conflits, ne pas être occupées par des groupes ou forces armés, ne pas être détruites… et notre pays doit rejoindre les 56 autres qui s’y sont déjà engagés, afin de protéger les enfants de la guerre et assurer leur droit à l’éducation.
L’UNICEF France lance la campagne « Des écoles, pas des champs de bataille » sur les réseaux sociaux à ce sujet, je la soutiens et appelle tout le monde à faire de même.
C’est par le savoir que les choses peuvent changer. Au Tchad, j’ai vu des classes de 200 élèves – à 5 par table vous savez, sur ces petits pupitres pour enfant ! Les conditions sont loin d’être optimales, mais l’école leur apporte la sécurité et des perspectives d’avenir… C’est tellement beau à voir cette soif d’apprendre, cet émerveillement dans leurs yeux. Tous les enfants croisés nous ont dit merci pour les cartables, les livres, les crayons, les ardoises… mais également « Je veux trouver un métier, aider ma famille, changer les choses ! » J’ai même rencontré une jeune fille de 18 ans qui allait pour la première fois de sa vie à l’école, pendant que sa mère gardait son bébé ; au tableau, elle était en difficulté, les autres se moquaient d’elle… Mais elle ne se laissait pas intimider, elle était touchante, humble, exemplaire.
Je n’ai pas été simple spectatrice, mais « témoin » de tout cela. J’ai vu l’espoir dans les yeux de ces gens, recueilli leurs témoignages pour les partager ensuite; ils ont posé des questions et nous devons revenir avec des réponses. Ils ont besoin d’aide, et vite ! Ils m’ont dit « Parlez de nous, ne nous oubliez pas ! ». J’ai promis.
(*) [Mise à jour du 21 février 2017] Grâce aux soutiens de Laetitia Casta, Oxmo Puccino, et de nombreux internautes, nos actions de plaidoyer auprès du gouvernement français ont porté leurs fruits : François Hollande a annoncé ce jour l’adhésion de la France à la Déclaration sur la sécurité dans les écoles ! Le Canada a également rejoint les pays ayant approuvé la déclaration.