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Le viol comme arme de guerre

Le 23 novembre prochain se tiendra à la Maison de l’Unesco à Paris un colloque sur l’usage des violences sexuelles dans les conflits contemporains. Boris Cyrulnik, parti en RDC avec l’Unicef pour rencontrer des femmes et des enfants victimes de viol, témoignera et apportera son expertise de neuropsychiatre. Interview.

Pourquoi les violences sexuelles sont-elles des pratiques courantes aujourd’hui en RDC ?

Dans le contexte de conflits armés qu’a connu et que connaît encore la RDC, les hommes sont payés et entraînés pour tuer – ils sont même décorés pour cela – et sont encouragés à piller et violer. Le viol dans ce cas-là n’est pas un acte de pulsion sexuelle, c’est une « arme de guerre » : dans cette culture où la filiation est très importante, faire porter l’enfant de l’ennemi, c’est détruire la communauté… Les femmes sont capturées, violées jusqu’à ce qu’elles tombent enceintes, et ensuite rendues à leur famille. L’enfant est rejeté parce qu’il est le fruit de l’ennemi, la mère, souillée, est mise à l’écart par sa famille, le père est honteux de n’avoir pas pu protéger les siens, la famille éclate et par là-même, toute la communauté avec elle. Et peu à peu, avec la guerre et la misère, on observe un effondrement culturel : toutes les pulsions s’expriment sans aucun frein, et des hommes non-armés se mettent à violer également, car c’est devenu un acte banal. Une femme congolaise victime de viol m’a dit une phrase qui m’a marqué : « Pour que certains hommes nous fassent subir ça, il faut que ce soit des hommes dégradés. »

Quelles souffrances pour les enfants ?

Et bien tout d’abord, certains enfants sont victimes de violences sexuelles eux-mêmes : le viol est un acte de violence ultime, et violer un enfant, c’est détruire aussi la communauté. Pour les enfants nés du viol, la souffrance est autre : dans 70% des cas, leurs mères les rejettent ou font le minimum pour qu’ils ne meurent pas. Si elles ne sont pas dans un contexte où on les aide à s’occuper de leur enfant, alors l’enfant ne se développe pas, car il a besoin d’une « niche affective » pour cela. Et quand il grandit, il doit faire face à une stigmatisation : il reste « l’enfant de l’ennemi ».

Comment avez-vous abordé le sujet avec ces victimes de violences sexuelles ?

Je les ai rencontrées en petits groupes, et je n’ai jamais posé de questions personnelles, je ne leur ai jamais demandé de me raconter ce qu’elles avaient vécu. Il faut parler « autour » de la femme, des violences sexuelles « en général », mais pas de la femme elle-même. Ensuite elle pourra dire « moi aussi je l’ai vécu », et le processus de parole sera déclenché. Des saynètes de théâtre de rue ou des chants qui racontent le drame, par exemple, peuvent permettre cette approche détournée, cette « psycho-palabre ». Après un viol, on n’oublie jamais, mais on peut se reconstruire, si on est entouré et écouté. 

Que faire pour aider ces enfants et ces femmes ?

La première étape est médicale : les victimes de violences sexuelles souffrent souvent de lésions et de traumatisme physiques qu’il faut opérer. Ensuite, il est important de soigner « l’âme », de soutenir affectivement : les femmes violées ont honte car en se confiant, elles ont conscience qu’elles « plantent dans votre âme » une image dégradée d’elles-mêmes. Elles ne sont coupables de rien mais sont honteuses quand-même… En RDC, elles se regroupent parfois en communautés, ce qui leur permet de se reconstruire peu à peu : elles se remettent à vivre, à travailler, à essayer de gagner leur vie en faisant de petits travaux. Enfin, il faut agir sur la culture : sensibiliser la communauté, changer le regard social sur ces femmes, pour que leurs familles les acceptent à nouveau, et sur les enfants issus de viol, pour qu’ils ne soient pas rejetés. Les Congolais le souhaitent !

Ne faut-il pas soigner les hommes aussi ? Comment enrayer le phénomène ?

Ces hommes aussi sont victimes dans un sens, mais pour l’instant, les personnes qui encadrent les femmes violées, et qui font un travail formidable avec elles, sont dans l’affrontement avec les agresseurs : elles n’ont pas envie de les soigner. Il n’y a pas encore de réhabilitation des agresseurs, seulement des agressés. Pour ce qui est d’enrayer ce phénomène de violences sexuelles banalisées en RDC : étant donné qu’il est dû à un effondrement culturel, il faut « recréer de la culture », du social, du travail, et le phénomène disparaîtra.