Depuis fin septembre 2024, la situation au Liban s’est dégradée à une vitesse alarmante. Plusieurs régions du pays sont le théâtre de bombardements, notamment, le sud, l’est avec la plaine de la Békaa et la banlieue sud de Beyrouth.
Édouard Beigbeder, représentant du bureau de l’UNICEF au Liban, livre son constat alarmant.
Depuis le 23 septembre 2024, la guerre au Liban a pris une tournure dramatique. Quelle est la situation sur place ?
En octobre 2023, les impacts se concentraient principalement au sud du pays, mais aujourd’hui, les répercussions se font ressentir à l’échelle nationale. Je préfère vous fournir des chiffres qui illustrent clairement l’ampleur de la situation.
Depuis le début de la guerre, plus de 127 enfants ont été tués, dont 100 les 11 derniers jours, et plus de 890 enfants ont été blessés, dont 690 les deux dernières semaines. Plus de 350 000 enfants ont été déplacés à l’heure actuelle, mais le chiffre ne cesse d’augmenter.
Quelles sont les premières conséquences de ce conflit sur les enfants ?
Elles sont multiples. La première concerne l’éducation des enfants. Plus de 1,2 million d’enfants libanais ne vont pas à l’école parce que toutes les écoles sont actuellement fermées et que beaucoup sont réquisitionnées pour accueillir les familles déplacées.
Il y a bien sûr les blessures physiques des enfants dont le nombre a dépassé, en une journée seulement, le nombre de blessés des 11 derniers mois.
Mais il y a aussi les blessures invisibles, le traumatisme des enfants face aux bombardements intensifs depuis plus de 16 jours consécutifs et les déplacements des populations.
À ce jour, plus de 1 million de personnes, dont plus de 350 000 enfants, seraient déplacées. Quelles sont les conditions de vie de ces familles ?
La panique est indescriptible.
Les déplacements s’effectuent souvent de nuit, dans la précipitation, sans que les personnes aient le temps d’emporter leurs effets personnels. Certains déplacés trouvent refuge chez des proches, tandis que d’autres se dirigent vers des écoles transformées en abris non équipées, sans matelas, couvertures, savon ou douches.
Si cette situation perdure, d’autres problèmes viendront s’ajouter, tels que la propagation de maladies hydriques, la déscolarisation ou encore le recours au travail des enfants.
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Empruntée par des centaines de milliers de réfugiés pour fuir les bombardements israéliens, la route internationale qui rallie le Liban à la Syrie par le point de passage de Masnaa a été endommagée dans la nuit de jeudi à vendredi 4 octobre. Quelles sont les conséquences de cette coupure transfrontalière ?
Cette route constitue l’une des deux principales voies d’acheminement de l’aide humanitaire, reliant la Jordanie, la Syrie et le Liban. Nous redoutons de ne plus être en mesure de répondre aux besoins des communautés, lesquels ne cessent de croître chaque jour.
Nous avons recours aux avions pour transporter les fournitures médicales. Un premier avion a d’ailleurs livré 100 tonnes de fournitures d’urgence il y a quelques jours, et un second transportant 40 tonnes supplémentaires est arrivé samedi dernier. Nous utilisons aussi le port comme moyens de recevoir l’aide humanitaire.
En parallèle, localement, nous avons acheté de nombreux produits de première nécessité, ce qui a épuisé le marché.
Quels sont les principales priorités et les autres défis auxquels les équipes sont confrontées sur place ?
Nous sommes confrontés à de nombreux défis. En effet, plusieurs membres du personnel de l’UNICEF et nos partenaires ont été directement affectés. Certains vivaient dans les zones touchées par les bombardements et ont été déplacés. En parallèle, les nouveaux bombardements qui ont lieu tous les jours nous contraignent, systématiquement, à nous réorganiser dans l’urgence.
Dans un premier temps, nous distribuons des matelas, de couvertures, des tentes, ainsi que des kits destinés aux femmes et aux nourrissons, en plus d’autres produits de première nécessité. De plus, nous œuvrons pour garantir aux familles un accès à l’eau, à l’hygiène et à l’assainissement dans les écoles et les abris, en mettant en place des installations d’eau et de douches et en fournissant des kits d’hygiène, afin de prévenir la propagation de maladies liées à l’eau. Enfin, nous veillons à ce que les personnes déplacées puissent bénéficier de soins de santé, notamment grâce à la mise à disposition de cliniques mobiles dans les centres d’accueil.
Il s’agit d’une véritable course contre la montre, il faut agir vite.
On estime que plus de 850 abris, principalement des écoles publiques, accueillent les populations déplacées, ce qui compromet l’année scolaire des enfants. Quelle est la position de l’UNICEF sur ce sujet ?
Le système éducatif est gravement éprouvé. Les enfants du Liban risquent, à nouveau, de ne pas avoir d’année scolaire. C’est une nouvelle catastrophe qui s’ajoute à la longue liste de catastrophes qui ont émaillé le Liban récemment (la pandémie de Covid-19, l’explosion du port de Beyrouth en 2020, l’effondrement économique et social qui a conduit à dévaluer drastiquement le salaire des enseignants).
Pour conclure, que demande l’UNICEF ?
L’UNICEF réitère son appel au cessez-le-feu immédiat et exhorte toutes les parties à garantir la protection des enfants ainsi que des infrastructures civiles. Nous demandons également que les acteurs humanitaires puissent accéder en toute sécurité aux populations vulnérables, en accord avec les obligations du droit humanitaire international.
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