L’UNICEF France est profondément préoccupé par les impacts néfastes du projet de loi Immigration et Intégration sur les droits des enfants en situation de migration. Alors que le projet initial contenait déjà des dispositions problématiques, le Sénat a largement dégradé le texte. Seule l’interdiction de la rétention des enfants constitue un premier pas positif.
Paris, le 14 novembre 2023 – Dans sa forme actuelle, le projet de loi Immigration et Intégration pourrait aggraver de manière dramatique la situation des enfants en limitant leur accès aux droits à une protection, aux soins ou à une justice adaptée.
L’interdiction du placement en centre de rétention administrative (CRA) des mineurs de moins de 16 ans adoptée par le Sénat constitue un premier pas nécessaire et l’UNICEF France salue son application en 2027 à Mayotte, territoire rassemblant la grande majorité des enfants aujourd’hui enfermés. Sur ce point, l’UNICEF France appelle les députés à étendre l’interdiction de l’enfermement administratif aux mineurs de plus de 16 ans et aux locaux de rétention administrative (LRA), dans le sens des amendements rejetés malgré l’avis favorable du Gouvernement. Cette interdiction doit aussi couvrir l’enfermement à la frontière dans les zones d’attente.
Le Sénat a adopté plusieurs dispositions particulièrement préoccupantes pour l’exercice des droits de l’enfant en durcissant les conditions d’acquisition de la nationalité pour les enfants nés en France (en particulier dans certains territoires ultramarins), en limitant le regroupement et la réunification familiale, en supprimant l’Aide Médicale d’Etat y compris pour les enfants, ou en privant certaines familles de leurs allocations familiales ou de leur droit à l’hébergement et au logement.
Les mineurs non accompagnés ne sont pas préservés : le Sénat limite l’accès à leur régularisation à 18 ans jugeant les critères trop « permissifs », créé un nouveau fichier de traitement des données des “MNA délinquants” et entend interdire l’accès à la protection, via les contrats jeunes majeurs, des jeunes visés par une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF), une demande manifestement discriminatoire récemment formulée par l’Assemblée des Départements de France (ADF).
Ces mesures s’ajoutent à des dispositions problématiques figurant déjà dans le texte initial. En facilitant l’expulsion et l’éloignement des étrangers « protégés » – notamment des parents d’enfants français – qui présentent une menace grave pour l’ordre public, le texte est susceptible d’entrer en contradiction avec les dispositions de la Convention internationale des droits de l’enfant protégeant la vie familiale et garantissant le principe de non-séparation. En prévoyant la généralisation de la formation unique pour les audiences à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) ou des vidéo-audiences en zone d’attente et en rétention, il y aura des impacts sur la garantie d’une justice adaptée et de qualité pour les mineurs. En prévoyant le recours à la coercition pour le relevé des empreintes digitales et la prise de photographie des personnes (article 11) – y compris mineures – à l’occasion de leur franchissement d’une frontière ou d’une retenue pour vérification du droit au séjour, le texte porte une atteinte manifestement disproportionnée aux droits et aux libertés individuelles des enfants. Les ajustements de la commission des lois du Sénat ne sont pas suffisants pour préserver les enfants de ces atteintes.
« Nous demandons aux parlementaires et à l’exécutif de reconsidérer ces mesures et de prendre en compte l’intérêt supérieur de l’enfant dans l’élaboration de la politique migratoire afin de garantir que l’ensemble des mesures proposées soient conformes aux obligations internationales de la France en matière de droits de l’enfant », a déclaré Adeline Hazan, présidente de l’UNICEF France.
L’UNICEF France formule de nombreuses propositions pour reformuler les dispositions néfastes du texte vers des mesures plus favorables afin de garantir que les enfants migrants et leurs familles reçoivent la protection et l’assistance dont ils ont besoin, et la compatibilité du texte avec la Convention Internationale des Droits de l’Enfant.