Loi asile immigration : quel impact sur les enfants ?
L’UNICEF France est profondément préoccupé par les impacts néfastes de la loi sur les droits des enfants en situation de migration.
Le projet de loi asile et immigration 2023
Le projet de loi sur l’asile et l’immigration a pour objet de « contrôler l’immigration et d’améliorer l’intégration » des étrangers en France. Il s’agit du 22ème texte sur l’immigration en 30 ans.
Le 14 novembre 2023, le projet de loi a été adopté par le Sénat. Le 11 décembre, une motion de rejet préalable à l’examen du projet de loi a été adopté à l’Assemblée nationale. Le gouvernement a alors convoqué une commission mixte paritaire (CMP), composée de 7 députés et de 7 sénateurs chargés de trouver un « compromis ». Le 19 décembre, la loi a été votée à l’Assemblée nationale.
Le Conseil constitutionnel a été saisi du projet de loi pour se prononcer avant le 26 janvier sur la conformité du texte à la Constitution. L’UNICEF France exprime son soulagement suite à la décision du Conseil Constitutionnel censurant les dispositions les plus problématiques de la loi Immigration. Cependant, nous regrettons qu’il ne se soit pas prononcé sur la constitutionnalité de certaines dispositions visant les mineurs non accompagnés.
« Après le contrôle effectué par le Conseil constitutionnel, l’UNICEF France demeure préoccupé par le maintien de plusieurs dispositions qui, si elles n’ont pas été déclarées inconstitutionnelles, semblent toutefois incompatibles avec le respect des droits de l’enfant, et notamment de l’intérêt supérieur des enfants en situation de migration », a déclaré Adeline Hazan, présidente de l’UNICEF France.
Quels impacts sur les droits de l’enfant ?
L’interdiction du placement en rétention administrative (CRA) des mineurs constitue un premier pas nécessaire, c’est une mesure que l’UNICEF appelait de ses vœux depuis longtemps.
Ainsi, son application à Mayotte, territoire rassemblant la grande majorité des enfants aujourd’hui enfermés, était nécessaire même si on peut regretter le report de l’entrée en vigueur à 2027 sur ce territoire. De même, l’UNICEF France appelait aussi à interdire l’enfermement à la frontière dans les zones d’attente, sans que cette avancée ne soit retenue.
Cependant, le parlement a aussi adopté plusieurs dispositions particulièrement préoccupantes pour l’exercice des droits de l’enfant :
- Durcissement des conditions d’acquisition de la nationalité pour les enfants nés en France (en particulier dans certains territoires ultramarins)
- Limitation du regroupement familial
- Privation de certaines familles de leurs allocations familiales ou de leur droit à l’hébergement et au logement
Les mineurs non accompagnés ne sont pas non plus préservés. Le texte limite l’accès à leur régularisation à 18 ans jugeant les critères trop « permissifs », créé un nouveau fichier de traitement des données des “MNA délinquants” et entend interdire l’accès à la protection, via les contrats jeunes majeurs, des jeunes visés par une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF).
En facilitant l’expulsion et l’éloignement des étrangers dits « protégés » – notamment des parents d’enfants français – qui présentent une menace grave pour l’ordre public, le texte est susceptible d’entrer en contradiction avec les dispositions de la Convention internationale des droits de l’enfant qui protège la vie familiale et garantit le principe de non-séparation.
En prévoyant la généralisation de la formation unique pour les audiences à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) ou des vidéo-audiences en zone d’attente et en rétention, le texte aura des impacts sur la garantie d’une justice adaptée et de qualité pour les mineurs.
En prévoyant le recours à la coercition pour le relevé des empreintes digitales et la prise de photographie des personnes (article 11) – y compris mineures – à l’occasion de leur franchissement d’une frontière ou d’une retenue pour vérification du droit au séjour, le texte porte une atteinte manifestement disproportionnée aux droits et aux libertés individuelles des enfants.
Notre action
Dès le début de l’examen, l’UNICEF France a mené une stratégie de plaidoyer parlementaire pour porter la nécessité d’une interdiction de l’enfermement administratif des enfants dans toutes ses formes. Ces propositions ont été soutenues par une vingtaine d’organisations partenaires de la campagne #Vous Avez la Clé ainsi que par plus de 177 000 personnes ayant soutenu la campagne.
Nous avons également porté auprès de l’exécutif et des parlementaires des propositions pour tenter de limiter les impacts négatifs du projet de loi sur la réalisation des droits de l’enfant. Nous avons proposé d’amender le texte avec des mesures complémentaires visant à faciliter l’accès au séjour des jeunes majeurs ayant fait l’objet d’une mesure de protection en tant que mineurs non accompagnés, et faire en sorte qu’avant toute décision d’éloignement, une évaluation de l’intérêt supérieur des enfants, qui accompagnent les personnes visées par la mesure, soit réalisée.
Depuis son adoption et avec l’appui de Maître Patrice Spinosi, avocat au Conseil, nous avons transmis nos observations au Conseil Constitutionnel afin que certaines mesures ayant des impacts sur les droits de l’enfant soient censurées.
Nous estimons que plusieurs articles sont inconstitutionnels en ce qu’ils sont contraires à l’exigence de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant, au droit à mener une vie familiale, à la sauvegarde de la dignité de la personne humaine, à la protection de la vie privée ou encore au principe d’égalité devant la loi et la justice.
Les droits et libertés que la Constitution garantit peuvent être utilement éclairés par le droit international et européen, en particulier la Convention internationale relative aux droits de l’enfant et son interprétation par le Comité des Droits de l’enfant. C’est le rôle de l’UNICEF France de le faire valoir et c’est pourquoi nous demandons au Conseil Constitutionnel de censurer ces dispositions.