Paris, le 20 novembre 2022 – Dans une tribune publiée aujourd’hui sur le site du Monde.fr – à l’occasion de la journée internationale des droits de l’enfant – Dubravka Šuica, vice-présidente de la Commission européenne pour la démocratie et la démographie, Thierry Breton, commissaire européen au marché intérieur et Catherine Russell, Directrice exécutive de l’UNICEF, soulignent l’importance de développer des stratégies concrètes pour la protection de l’enfance en ligne, l’autonomisation numérique et l’inclusion numérique afin d’offrir un espace numérique sûr, sécurisé et fiable pour chaque enfant.
Il y a trente-trois ans aujourd’hui, les dirigeants de la planète se réunissaient pour adopter la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant – reconnaissant ainsi à l’échelon mondial que les droits de l’enfant sont des droits humains et qu’ils méritent la même protection.
Les dirigeants visionnaires qui ont rédigé la Convention en 1989 ne pouvaient pas s’imaginer à quel point l’enfance allait être transformée par la technologie numérique et l’internet. Ils ont néanmoins établi un socle qui peut nous aider à nous orienter dans un monde de plus en plus numérique.
Aux quatre coins de la planète, les enfants se connectent de plus en plus tôt et restent connectés de plus en plus longtemps. Entre 2010 et 2020, le temps passé en ligne par les enfants a presque doublé dans de nombreux pays. La pandémie de COVID-19 a provoqué une forte augmentation du temps d’écran chez les enfants, les jeunes européens étant connectés entre 6 et 7,5 heures par jour d’après les estimations. Des recherches récentes montrent que la majorité des enfants disposant d’un smartphone déclarent les utiliser «presque tout le temps» pour se connecter, en particulier aux réseaux sociaux.
Les avantages de ce changement profond sont évidents: il élargit l’accès à l’éducation, aux divertissements et aux possibilités offertes par le numérique. Mais les risques sont également plus grands.
Les enfants exposés à des technologies intégrées et invisibles
À l’échelle mondiale, 1 enfant sur 3 signale avoir fait l’objet de harcèlement en ligne. En 2020, 33 % des filles et 20 % des garçons en Europe déclaraient être confrontés en ligne à du contenu dérangeant au moins une fois par mois. Dans certaines régions d’Afrique et d’Asie, des recherches récentes montrent qu’entre 1 et 20 % des enfants ont été victimes d’au moins un fait d’exploitation ou d’abus sexuel en ligne entre 2020 et 2021.
Les enfants sont également de plus en plus exposés à des technologies intégrées et invisibles, comme des algorithmes, des systèmes d’analyse prédictive et même des traceurs de localisation, ce qui peut constituer une violation de leur droit à la vie privée, et même pire.
Étonnamment, malgré l’omniprésence des technologies numériques, des millions d’enfants n’ont toujours pas accès aux avantages de l’internet. Dans une économie de plus en plus numérique, les conséquences de ce fossé s’aggraveront également si nous ne prenons pas de mesures pour y remédier dès à présent.
Amélioration de l’accès à l’apprentissage numérique
Qui qu’il soit et d’où qu’il vienne, chaque enfant jouit du même droit à la sécurité et à l’inclusion. Et tous les enfants doivent pouvoir s’épanouir dans un environnement numérique dans lequel ces droits sont respectés et protégés. Il s’agit là d’un élément central de la proposition de la Commission européenne relative à une déclaration sur les droits et principes numériques européens, présentée en début d’année.
L’adoption récente par l’UE du paquet législatif sur les services numériques constitue également une étape importante à cet égard. L’obligation faite aux plateformes numériques d’appliquer des critères stricts pour protéger les mineurs en ligne et l’interdiction de la publicité et des contenus algorithmiques potentiellement préjudiciables qui ciblent les enfants contribueront à créer un espace numérique plus sûr.
La nouvelle stratégie pour un internet mieux adapté aux enfants, volet numérique de la stratégie de l’UE sur les droits de l’enfant, contribuera également à faire en sorte que chaque enfant en Europe soit protégé, rendu autonome et respecté lorsqu’il est en ligne. Dans le cadre de cette stratégie, la Commission européenne lance le développement d’un code de conduite pour l’élaboration adaptée à l’âge de produits et services numériques et elle associera les enfants au processus de développement. Elle promouvra également des outils efficaces de vérification de l’âge et aidera les pays à échanger des bonnes pratiques en matière d’éducation aux médias.
La protection des enfants en ligne et l’amélioration de leur accès à l’apprentissage numérique et à d’autres possibilités sont également au cœur des travaux de l’UNICEF dans le monde entier, qu’il s’agisse de nouer des partenariats avec les gouvernements pour élaborer des politiques et des cadres juridiques tels que celui de l’UE, de soutenir les ministères de l’éducation pour promouvoir la culture numérique des enfants et les compétences en matière de sécurité en ligne ou de travailler main dans la main avec les chefs de file du secteur pour trouver des solutions innovantes qui préservent la sécurité des enfants en ligne.
Apprendre l’autonomisation à tous les enfants et parents
Grâce à des programmes comme Global Kids Online et à des projets comme Disrupting Harm, l’UNICEF contribue également à la mise sur pied d’une base factuelle sur les droits numériques des enfants afin de nous aider à comprendre comment la transformation numérique de la société influence la vie et le bien-être des enfants.
L’UNICEF collabore également avec des partenaires au niveau des gouvernements et de l’industrie technologique afin que chaque enfant ait accès à l’apprentissage numérique. Ainsi, Giga tire parti de l’expérience de l’UNICEF dans l’éducation et la passation de marchés, de l’expertise de l’UIT en matière de réglementation et de politique, et de la capacité du secteur privé à appliquer rapidement des solutions technologiques afin de connecter chaque école du monde à l’internet. Et la plateforme d’apprentissage numérique The Learning Passport, qui a été lancée en 2018 pour s’adresser aux enfants déplacés, est désormais utilisée par plus de 2 millions d’enfants dans 17 pays.
Tout le monde a un rôle à jouer en la matière. C’est la raison pour laquelle les décideurs politiques, les chefs de file du secteur, les éducateurs, les parents, les enfants et les jeunes se sont réunis à Bruxelles à la fin du mois d’octobre lors du Forum pour un internet plus sûr pour discuter de la manière dont nous pouvons améliorer l’internet pour les enfants.
Pour un espace numérique sécurisé et fiable
L’autonomisation est essentielle. Nous devons apprendre aux enfants — ainsi qu’aux parents, aux éducateurs et aux enseignants — comment reconnaître les risques en ligne, démêler le vrai du faux et tirer le meilleur parti des possibilités offertes par le numérique. Les centres pour un internet plus sûr présents dans toute l’Europe y contribuent, notamment en offrant aux jeunes une plateforme leur permettant d’exprimer leurs préoccupations et leurs points de vue. Et chaque pays devrait envisager de mettre en place des réseaux de soutien numériques similaires.
La protection en ligne, l’autonomisation numérique et l’inclusion numérique représentent des défis mondiaux. En unissant nos forces, nous pouvons traiter ces questions de manière plus efficace et efficiente. Notre objectif ne doit être rien de moins qu’un espace numérique sûr, sécurisé et digne de confiance, qui sera une pierre angulaire de notre société numérique, pour chaque enfant et pour tous, partout.
Signataires :
- Dubravka Šuica, vice-présidente de la Commission européenne pour la démocratie et la démographie
- Thierry Breton, commissaire européen au marché intérieur
- Catherine Russell, Directrice exécutive de l’UNICEF