Les agences des Nations unies alertent sur l’aggravation de l’insécurité alimentaire et de la crise nutritionnelle au Centre Sahel. A la veille de la table ronde ministérielle, un appel à l’action sur tous les fronts.
Dakar, le 19 octobre 2020 – Trois agences des Nations unies appellent à une plus grande stabilité des efforts et de l’assistance aux plus vulnérables au Burkina Faso, au Mali et au Niger, en comblant le fossé entre les interventions d’urgence et de développement, à la veille de la table ronde ministérielle internationale sur le Centre Sahel qui se tiendra demain à Copenhague.
Environ 7,4 millions de personnes dans les trois pays du Centre Sahel ne savent pas de quoi leur prochain repas sera fait. Si l’on compare avec les moyennes des cinq dernières années, l’insécurité alimentaire aiguë a augmenté de 225 % au Burkina Faso, de 91 % au Mali et de 77 % au Niger.
Une flambée récente dans les combats a ajouté encore au calvaire de populations qui sont déjà hautement vulnérables aux chocs climatiques. De nombreux habitants ont été forcés d’abandonner leur terre et leurs moyens de subsistance, et de se réfugier dans des communautés hôtes qui font face elles aussi à d’immenses défis. Le nombre de déplacés internes (IDP) dans la région est passé de 70 000 à près de 1,8 million en moins de deux ans.
S’attaquer aux racines de la crise alimentaire
L’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), UNICEF et le Programme alimentaire Mondial (PAM) estiment qu’investir dans des programmes intégrés consolidera les efforts pour sauver des vies, protéger les moyens de subsistance et renforcer la résilience.
« Avec l’explosion de conflits, les fermiers et éleveurs font face à des difficultés pour accéder à la terre, aux semences et aux outils. Ils font partie des plus vulnérables à ces crises d’origine humaine et aux catastrophes naturelles, et les cheptels représentent 80 % des moyens de subsistance dans la région », a déclaré Gouantoueu Robert Guei, coordinateur sous-régional de la FAO pour l’Afrique de l’Ouest. « La FAO a accru sa réponse d’urgence dans la région comme ses efforts pour construire la résilience ; cependant, pour avoir un véritable impact, nous avons besoin de renforcer encore la collaboration pour nous attaquer aux racines de la crise alimentaire qui s’aggrave. »
Les mesures prises pour contenir la pandémie de la COVID-19 ont exacerbé les vulnérabilités des communautés, notamment l’insécurité alimentaire et la malnutrition. Des analyses récentes de l’insécurité alimentaire et de l’impact socio-économique de la pandémie dans le Centre Sahel montrent que le nombre d’enfants souffrant de malnutrition aiguë en 2020 pourrait augmenter de 21 %. Ce qui porterait le nombre des enfants malnutris dans les trois pays à 2,9 millions, dont 890 000 souffrant de malnutrition aiguë sévère.
Intensifier les actions conjointes
« Le Centre Sahel exige que nous allions au-delà des cadres habituels d’action. UNICEF se bat pour protéger le statut nutritionnel des enfants de moins de 5 ans et des mères en accélérant les efforts pour prévenir la malnutrition, et donner les moyens aux communautés, familles et aidants, d’agir et d’être une partie de la solution. Ces efforts ne seront un succès que si les communautés, les familles et les aidants ont la capacité d’agir, pour prévenir, détecter et gérer la malnutrition. C’est pourquoi nos trois agences intensifient leurs actions conjointes », a déclaré Marie-Pierre Poirier, directrice régionale d’UNICEF pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre.
« Il est clair que les conflits engendrent insécurité alimentaire et malnutrition dans le Centre Sahel où l’insécurité alimentaire croissante avance main dans la main avec l’instabilité et des épisodes de violence en augmentation », a déclaré Chris Nikoi, directeur régional du PAM pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre. « Nous devons agir collectivement pour sauver des vies, reconstruire de la solidarité et préserver les acquis en matière de développement. Le PAM accroit son assistance en approvisionnements alimentaires vitaux et nutrition, et monte en puissance les programmes de résilience qui s’attaquent aux racines de l’instabilité, pour offrir aux communautés une chance d’espérer un avenir meilleur. »
Dans ce contexte de vulnérabilités exacerbées, les interventions en matière de sécurité alimentaire et de nutrition doivent répondre aux besoins humanitaires d’urgence sans négliger les interventions essentielles pour renforcer les systèmes et les communautés dans la durée. Ce qui suppose des approches multisectorielles innovantes pour accélérer l’accès aux services de base.
Une crise qui s’étend rapidement dans un contexte complexe
Le Burkina Faso à lui seul fait l’expérience de la plus rapide croissance de déplacés dus à la crise globalement, avec une augmentation de 258 % de déplacés ces douze derniers mois. L’accès humanitaire s’est grièvement détérioré, de même que l’accès aux services essentiels, puisque l’insécurité a conduit à d’amples fermetures des centres de santé, écoles et marchés.
Dans un environnement changeant rapidement, l’insécurité alimentaire et la malnutrition ne peuvent pas être résolus sans accès à l’eau potable. Les pays du Centre Sahel enregistrent les taux de mortalité dus au manque d’eau potable, assainissement et hygiène les plus élevés d’Afrique. L’exclusion de ces services, comme l’eau et l’assainissement, engendrent des mécontentements qui peuvent mener à la violence, ainsi la tension sur les réserves en eau contribue à des tensions et conflits entre fermiers et éleveurs. Dans le Sahel, l’accès à l’eau soutient le développement des moyens de survie, et est essentiel pour un pastoralisme durable.
Comprendre, agir et changer ensemble
Alors que le Centre Sahel fait face à de multiples défis, les trois agences des Nations unies réaffirment avec force le besoin de construire la résilience grâce à des approches inter-agences, se concentrant sur les mêmes objectifs et les mêmes populations vulnérables.
En outre, le Plan d’Action Global (PAG) sur la malnutrition sévère est actuellement déployé dans la région. Cette initiative a été lancée en mars 2020 à la demande du Secrétaire général des Nations unies et est soutenue par cinq agences Nations unies (FAO, Bureau des Nations unies pour les Réfugiés, UNICEF, PAM et Organisation mondiale de la Santé). Ce plan d’action est un cadre d’actions pour accélérer les progrès pour prévenir et gérer la malnutrition des enfants en vue des Objectifs du Développement Durable. Une feuille de route pluriannuelle, multi-pays et pluri parties prenantes est actuellement développé dans la région pour faciliter la mise en œuvre.