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Deuxième jour de la rencontre nationale des villes amies de l'enfant à Lille ©UNICEF France/Léa Schneider
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Serge Paugam : « La voix des enfants est essentielle »

D’octobre 2023 à mars 2024, près de de 20 000 enfants, à travers 1 800 villes en France ont participé à la Consultation nationale des 6-18 ans. Axée sur les thématiques de pauvreté et d’exclusion sociale, cette 6e édition a été l’occasion pour des milliers d’enfants de s’exprimer sur les privations qu’ils vivent au quotidien.

Serge Paugam, sociologue, membre du comité scientifique de l’UNICEF France et un des auteurs du rapport, nous livre son analyse.

Cette année, la Consultation nationale des 6-18 ans a permis à plus de 20 000 enfants de s’exprimer sur les questions de pauvreté et d’exclusion. Quel est l’intérêt de faire entendre leur voix sur le sujet ?

L’enjeu principal est d’abord empirique. En France, comme dans d’autres pays, les données sur l’enfance sont souvent collectées indirectement, via les adultes.

Les situations de pauvreté ou d’exclusion sont essentiellement abordées à partir de la compréhension des adultes. Nous disposons de nombreuses statistiques sur les familles, mais nous manquons de données issues des enfants eux-mêmes.

“La voix des enfants est pourtant essentielle pour combler ces lacunes : qu’il s’agisse de leurs relations avec leur famille, leurs amis, leurs enseignants ou encore dans leur quartier, ce sont des informations précieuses.”

Pourquoi avoir choisi de recueillir des données sur la pauvreté des enfants ?

Cette année, la Consultation nationale des 6-18 ans met l’accent sur les formes cumulatives de la pauvreté et de l’exclusion. Ces sujets, bien étudiés chez les adultes, doivent être explorés auprès des enfants.

“Cette approche est assez novatrice notamment parce que la question de l’exclusion va au-delà des données matérielles. Il s’agit aussi de perceptions, d’expériences et de souffrances intériorisées. ”

On pourrait également parler de l’enjeu citoyen puisqu’il est question de faire avancer la cause des enfants, de les faire dialoguer sur leurs droits, sur ce qu’ils vivent au quotidien afin de mettre en œuvre des politiques qui répondent aux difficultés et aux souffrances qu’ils rencontrent.

En 2013, la Consultation nationale des 6-18 ans mettait déjà l’accent sur les questions d’exclusion sociale des enfants, sujet également abordé dans la nouvelle édition. Qu’est-ce qui a changé, 11 ans après ? 

Pour y répondre, il est primordial de préciser la nature de la Consultation nationale des 6-18 ans et la méthodologie qui est adoptée. Pour avoir des données représentatives d’une population, en l’occurrence les 6-18 ans, il faut partir d’une base de sondage pour obtenir un échantillon qui intègre chaque catégorie de la population.

Avec la Consultation, la méthodologie est différente : elle repose sur une démarche volontaire des enfants à travers toutes les communes, départements et régions en France, y compris dans les Outre-mer. On obtient donc un échantillon significatif de près de 20 000 enfants. Pourquoi cette précision ? Pour expliquer qu’on ne peut pas strictement comparer la consultation de 2013 à celle de 2024 parce que les enfants n’étaient pas exactement les mêmes.

Néanmoins, lorsqu’on se penche sur des indicateurs objectifs de mesure de la pauvreté, le constat est sans appel : il y a eu une nette augmentation au cours des dix dernières années. Dans ce contexte, la 6e édition tente de comprendre comment fonctionnent les mécanismes de pauvreté et d’exclusion dans la vie des enfants. C’est novateur !

Ces données n’ont jamais été recueillies auprès des enfants auparavant. L’UNICEF France est donc à l’avant-garde et les institutions statistiques devraient prendre le relai pour recueillir ces données auprès d’échantillons représentatifs de la population.

Dans les résultats de la Consultation nationale des 6-18 ans, on parle du « triptyque de l’exclusion ». Pouvez-vous nous en dire plus ?

Il s’agit des 3 dimensions qui sont à l’œuvre dans le processus d’exclusion sociale : privations matérielles, manque de protection et rejet social.

Plus de 16 % des enfants ayant répondu à la Consultation nationale des 6-18 ans sont en situation de privation matérielle. Concrètement, cela signifie qu’ils sont des milliers à vivre dans des logements trop étroits pour toute leur famille ou à n’avoir qu’une seule paire de chaussures par exemple.

L’autre dimension, qui touche au manque de protection, révèle l’insécurité que ressentent ces enfants dans leurs quartiers ainsi que les difficultés qu’ils ont à partager leurs angoisses avec des adultes à l’école ou à la maison.

Et enfin, la troisième dimension renvoie au rejet social, c’est-à-dire ce sentiment profond de ne pas trouver sa place et l’impression de ne pas compter pour la société.

Ces trois dimensions se cumulent et nourrissent, dès l’enfance, un sentiment d’exclusion.

Y a-t-il des différences entre la manière dont un enfant de 6 ans et un jeune de 18 ans perçoivent chacun la pauvreté ?

Oui, en analysant les réponses, on observe des variations selon la tranche d’âge. Ce qui se comprend parfaitement car un enfant de 6 ans et un jeune de 18 ans ne sont pas dans la même phase d’apprentissage et ont une compréhension différente des questions.

La Consultation nationale des 6-18 ans révèle un cumul des privations chez les enfants interrogés. Quels sont les potentiels impacts sur leurs vies d’adultes ?

C’est une question importante. Il ne faudrait pas tomber dans un déterminisme absolu qui laisserait entendre que les déficits connus dans l’enfance ne mènent qu’à une vie d’exclusion.

Ici, il faut parler en termes de probabilisme fort. Un enfant qui grandit dans la pauvreté et qui est confronté dès son jeune âge à un manque de protection et à l’exclusion sociale a de fortes chances de développer un sentiment d’infériorité, ne parvenant pas à puiser en lui-même ni dans son environnement les ressources nécessaires pour surmonter ces difficultés.

Il part avec des handicaps dans la vie et on peut dire que c’est la société qui les a construits au cours de son enfance.

Cela étant dit, il faut noter que certains enfants peuvent avoir un déclic, que ce soit des rencontres ou des évènements qui bouleversent leur vie.

“Il faut laisser ouverte cette possibilité d’une rupture avec la spirale de l’exclusion : cela reste possible. ”

De nombreux exemples montrent que des personnes ayant traversé de grandes difficultés durant leur enfance ont su les transformer en levier et ont réussi à surmonter ces obstacles par la suite.

En France, on compte 3 millions d’enfants en situation de pauvreté. Pensez-vous que les politiques publiques actuelles sont à la hauteur des enjeux ?

Malheureusement, non. Prenons l’exemple de l’école : de nombreux enfants en détresse ne trouvent personne à qui parler. Il faudrait davantage de personnels formés pour les écouter et les accompagner, au lieu de simplement les sanctionner.

De plus, les politiques de la ville, qui ciblent les quartiers où les inégalités sont les plus flagrantes, manquent de moyens. La Consultation nationale des 6-18 ans montre que les enfants qui cumulent les privations sont souvent issus de ces territoires.

Une véritable politique de l’enfance nécessite des investissements massifs pour réduire ces inégalités, qu’il s’agisse de formation, de soutien psychologique ou de personnel supplémentaire.