Déclaration des principaux membres du Comité Permanent Inter-Agences des Nations Unies (IASC, Inter-Agency Standing Committee)
New York/Genève/Rome/Washington, le 31 mai 2024 – « Le temps presse pour les millions de personnes au Soudan exposées à un risque imminent de famine, déplacées de leurs terres, vivant sous les bombardements et coupées de toute aide humanitaire.
Alors que le conflit entre dans sa deuxième année, 18 millions de personnes souffrent de la faim, dont 3,6 millions d’enfants gravement atteints de malnutrition, et la famine menace des millions de personnes au Darfour, au Kordofan, à Aj Jazirah et à Khartoum.
Le Soudan abrite le plus grand nombre de personnes déplacées à l’intérieur de son propre pays, soit près de 10 millions, alors que deux autres millions de personnes ont fui vers les pays voisins.
Les attaques effroyables perpétrées sur les civils – y compris les violences sexuelles – ainsi que sur les hôpitaux et les écoles se multiplient. À Al Fasher, plus de 800 000 civils se préparent à une attaque imminente à grande échelle, qui entraînerait des conséquences humanitaires catastrophiques tant dans la ville que dans l’ensemble du Darfour.
L’accès humanitaire entravé
Malgré les besoins considérables, le personnel humanitaire continue d’être confronté à des blocages systématiques et à des refus délibérés d’accès de la part des parties au conflit. Les déplacements à travers les lignes de conflit vers certaines parties de Khartoum, du Darfour, d’Aj Jazirah et du Kordofan ont été pratiquement interrompus depuis la mi-décembre. La fermeture du poste de frontière d’Adre en février – notre principale voie d’accès à l’ouest du Soudan depuis le Tchad – ne permet d’acheminer qu’une aide limitée au Darfour. Les agents humanitaires sont tués, blessés et harcelés, et les fournitures humanitaires sont pillées.
En mars et avril cette année, près de 860 000 personnes ont été impactées par un refus d’aide humanitaire dans les États du Kordofan, du Darfour et de Khartoum. Les entraves délibérées à l’aide humanitaire, privant la population civile des éléments essentiels à sa survie, constituent une violation du droit international humanitaire.
La fenêtre de tir pour éviter un scénario catastrophe se réduit
La faim extrême sévit et les perspectives de production alimentaire en 2024 sont très sombres. Nous disposons d’un délai de plus en plus court pour fournir des semences aux agriculteurs avant la fin de la principale saison de plantation et le début de la saison des pluies. Si nous agissons à temps, les populations, en particulier celles se trouvant dans des zones reculées, seront en mesure de produire de la nourriture localement et d’éviter les pénuries alimentaires au cours des six prochains mois. Si nous n’agissons pas immédiatement, les gens souffriront de la faim et seront contraints de se déplacer à la recherche de nourriture, d’un abri et d’une protection.
Soyons clairs : si nous ne parvenons pas à fournir de l’aide rapidement et à grande échelle, davantage de personnes mourront.
Sans un changement majeur et immédiat, nous serons confrontés à un scénario catastrophique : une famine s’installera dans de grandes parties du pays. Davantage de personnes fuiront vers les pays voisins à la recherche de nourriture et de sécurité. Davantage d’enfants succomberont aux maladies et à la malnutrition. Les femmes et les jeunes filles, qui subissent déjà le poids du conflit, seront confrontées à davantage de souffrances et de dangers.
L’appel du Comité Permanent Inter-Agences
Afin d’éviter les scénarios les plus graves, nous, responsables du Comité Permanent Inter-Agences, demandons aux parties au conflit de prendre les mesures suivantes de toute urgence :
- Prendre des mesures immédiates pour protéger les civils, notamment en s’abstenant de diriger des attaques à leur encontre, en leur permettant de se rendre dans des zones plus sûres et en mettant fin aux violences sexuelles et sexistes.
- Faciliter l’accès humanitaire sans entrave par tous les itinéraires transfrontaliers possibles afin de permettre aux civils de recevoir une aide humanitaire.
- Cesser immédiatement tout acte de refus, d’obstruction, d’interférence ou de politisation de l’action humanitaire.
- Simplifier et accélérer les procédures administratives et bureaucratiques liées à l’acheminement de l’aide humanitaire.
- Désamorcer la situation à Al Fasher et adopter un cessez-le-feu à l’échelle nationale.
- Mettre fin aux violations des droits de l’homme, y compris les violations graves commises à l’encontre des enfants, et faire en sorte que les auteurs de ces violations répondent de leurs actes.
Un besoin urgent de financements
Nous sommes également préoccupés par le soutien limité des donateurs. Près de cinq mois après le début de l’année, et six semaines après la Conférence humanitaire internationale pour le Soudan et les pays voisins, qui s’est tenue à Paris le 15 avril, nous n’avons reçu que 16 % des 2,7 milliards de dollars dont nous avons besoin.
Les donateurs doivent de toute urgence débloquer les fonds promis à Paris et accélérer le financement supplémentaire de l’appel à l’aide humanitaire. Alors que la famine se dessine, nous devons fournir dès maintenant une aide vitale beaucoup plus importante, notamment des semences pour les agriculteurs avant la fin de la saison des plantations.
L’heure tourne. Le choix est clair. »
Signataires :
- M. Martin Griffiths, Coordinateur des secours d’urgence et Secrétaire Général adjoint aux affaires humanitaires (OCHA)
- Mme Sofia Sprechmann Sineiro, Secrétaire Générale, CARE International
- Dr. Qu Dongyu, Directeur Général de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO)
- M. Jamie Munn, Directeur Général du Conseil international des agences bénévoles (ICVA)
- Mme Amy E. Pope, Directrice Générale de l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM)
- M. Tom Hart, Président et Directeur Dénéral, InterAction
- Mme Tjada D’Oyen McKenna, Directrice Générale, Mercy Corps
- M. Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux Droits de l’Homme (OHCHR)
- Mme Paula Gaviria Betancur, Rapporteur spécial des Nations Unies sur les droits de l’homme des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays (RS sur les droits de l’homme des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays)
- M. Achim Steiner, Administrateur du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD)
- Mme Janti Soeripto, Présidente et Directrice Générale, Save the Children
- M. Michal Mlynár, Directeur Général, Programme des Nations unies pour les établissements humains (UN-Habitat)
- M. Filippo Grandi, Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR)
- Dr. Natalia Kanem, Directrice Exécutive, Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP)
- Mme Catherine Russell, Directrice Générale, Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF)
- Mme Sima Bahous, Secrétaire Générale adjointe et directrice exécutive, ONU Femmes
- Mme Cindy McCain, Directrice Générale du Programme Alimentaire Mondial (PAM)
- Dr. Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur Général de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS)
- M. Andrew Morley, Président et Directeur Général, World Vision International
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