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Photo prise à Mannheim, en Allemagne, le 08/06/2024 au Festival de la Jeunesse. © UNICEF/UNI595827/Stroisch

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TRIBUNE - L’attention portée aux enfants est l’un des leviers les plus efficaces pour lutter contre la violence

La proposition de loi visant à « restaurer l’autorité de la justice à l’égard des mineurs délinquants et de leurs parents », adoptée, le 13 février, par l’Assemblée nationale, entend modifier sensiblement le code de la justice pénale des mineurs dont l’encre est pourtant à peine sèche. Elle interroge sur son utilité et surtout inquiète par ce qu’elle recèle.

Le débat parlementaire n’est pas achevé. Le Sénat doit analyser ce texte à partir du 25 mars. Le gouvernement entend même déposer, lors de ces séances, des amendements encore plus révolutionnaires, tels que l’abaissement de la majorité pénale à 16 ans (comme en 1905) ou la mobilisation d’un jury populaire pour encadrer des magistrats taxés de laxisme ou d’angélisme.

Non seulement la proposition de loi néglige les mesures déjà prises pour durcir les sanctions pénales à l’égard des mineurs, mais aussi elle oublie que police et justice ont déjà pu et su mettre à l’écart les auteurs d’actes criminels, ceux-là mêmes qui justifieraient de légiférer. Plus grave encore, le texte ignore totalement l’inefficacité des approches strictement punitives sur la délinquance juvénile.

Les exigences d’ordre public à court, à moyen et à long terme sont légitimes, mais on ne peut pas nier que les enfants les plus vulnérables sont les premières victimes de la délinquance et des réseaux criminels. Par ailleurs, l’attention portée aux enfants et au respect de leurs droits dans une approche préventive est, sans nul doute possible, l’un des leviers les plus efficaces pour lutter contre la violence.

Sans nier l’extrême violence de certains, il est faux de faire reposer sur les seuls mineurs la réalité des atteintes aux personnes et aux biens qui choquent l’opinion et nourrissent le sentiment croissant d’insécurité. Comme il est faux de dire que les enfants d’aujourd’hui sont plus délinquants, plus tôt qu’hier. Le ministère de l’intérieur lui-même observe que la délinquance juvénile baisse.

Nous avons tous à gagner au maintien, sinon à la restauration pleine et entière, d’un droit pénal spécifique des mineurs à la française, construit sur la durée avec pour double objectif de sanctionner les passages à l’acte, mais surtout de transformer le cours de la vie d’un enfant : que délinquant un jour, il ne le soit pas toujours.

Condamner vite ne suffit pas. La priorité est de garantir la mise en œuvre et l’exécution immédiate des mesures éducatives prononcées. Ce qui impose des moyens accrus pour la protection judiciaire de la jeunesse, publique et associative. Nous sommes loin du compte : au 1er octobre 2024, 4 200 mesures pénales n’étaient pas exercées et 6 000 mesures de protection judiciaire de l’enfance étaient en attente de traitement.

La justice des mineurs n’est pas une sous-justice des majeurs, moins sévère. Levier de transformation individuelle, elle relève d’un registre spécifique. La régression serait de juger un acte, aussi grave soit-il, plutôt qu’une personne. Le jeune de moins de 18 ans n’est pas encore un majeur et dès lors ne bénéficie pas des mêmes droits et libertés que les adultes. Nous réaffirmons la primauté du droit des enfants tout en rappelant la nécessité de renforcer le travail d’autorité légitime dont ils ont besoin. Plus qu’à la punition, ils sont sensibles à la sanction juste, même quand ils ressentent la loi et l’autorité comme injustes et arbitraires. Donnons-nous les moyens d’accompagner les enfants en restaurant des figures d’autorité légitimes, en soutenant mieux et davantage les adultes responsables de l’éducation et de la protection de ces enfants vulnérables.

Pense-t-on vraiment qu’en menaçant les parents en difficulté de sanctions pénales ou financières plus sévères, on les mobilisera réellement à mieux exercer leurs responsabilités ? D’autant que leur autorité est trop souvent concurrencée par celle des pairs, par les perspectives d’argent facile de la drogue et, plus largement, les réseaux sociaux, par le manque de perspectives positives. Dans le même temps, les dispositifs sociaux d’accompagnement des familles qu’offrent l’Etat ou les conseils départementaux sont en grande souffrance. Et ce, davantage encore, outre-mer.

Plus les enfants en difficulté seront abandonnés très jeunes à leur sort, plus ils se trouveront dans la toute-puissance et en conflit avec la loi. La sécurité prétendument recherchée n’en sera pas mieux assurée. Dans les années 1990, quand la délinquance juvénile a cru et mué, la justice a su adapter, à loi égale, ses modes d’intervention pour mettre en œuvre les réponses spécifiques, rapides et fermes qui s’imposaient. Le législateur est venu en relais. Mais qui s’en souvient ?

Aujourd’hui, les pouvoirs publics soucieux de l’ordre ne peuvent pas se contenter d’annonces spectaculaires ni d’une approche à court terme centrée sur la production législative. Ils devront s’atteler à réunir effectivement les moyens nécessaires pour redresser le cours de la vie des enfants en danger ou délinquants, de telle sorte que d’autres enfants ne tombent pas à leur tour dans le danger ou la délinquance.

Les menaces de sanctions ne font pas une politique ni une politique efficace. En d’autres termes, une politique de l’enfance ne se résume pas à ajouter à la justice pénale des mineurs des dispositions issues du droit pénal des majeurs comme la comparution immédiate ou le recours à des juges non spécialisés, au risque de mettre à bas sa spécificité. Elle doit aussi concerner l’ensemble des institutions chargées de la protection, de l’éducation et de la santé des enfants et au soutien de leurs parents, et ce, le plus précocement possible. La société n’a rien à gagner à une approche étriquée faite de seules dispositions pénales coercitives. Une telle approche ignore nos valeurs, notre histoire et la réalité.

Signataires :

  • Geneviève Avenard, ancienne Défenseure des enfants (2014-2020) ;
  • Philippe Bonfils, avocat, professeur de droit pénal à Aix-Marseille Université ;
  • Claire Brisset, ancienne Défenseure des enfants (2000-2006) ;
  • Marie Derain de Vaucresson, ancienne Défenseure des enfants (2011-2014) ;
  • Anne Devreese, présidente du Conseil national de la protection de l’enfance ;
  • Alice Grunenwald, juge des enfants, présidente de l’Association française des magistrats de la jeunesse et de la famille ;
  • Adeline Hazan, présidente d’UNICEF France ;
  • Jean-Pierre Rosenczveig, ancien président du tribunal pour enfants de Bobigny, expert à l’UNICEF;
  • Didier Tronche, président de la Convention nationale des associations de protection de l’enfant ;
  • Dominique Versini, ancienne Défenseure des enfants (2006-2011).

Retrouvez la liste complète des signataires ici.