22 000 enfants de 6 à 18 ans ont donné leur avis sur leur vie. Pour la première fois, l’analyse permet de différencier les réponses selon le lieu d’habitation. Les résultats sont à la fois étonnants et dramatiques. Ils doivent faire réagir les candidats à la présidence de la République !
Paris, le 29 novembre 2016 – L’UNICEF France publie aujourd’hui les résultats exceptionnels de sa 3e consultation nationale. Exceptionnels parce qu’ils sont le fruit de la plus vaste enquête significative dont les réponses sont apportées par les enfants eux-mêmes : près de 22 000 enfants et adolescents âgés de 6 à 18 ans ont donné, entre octobre 2015 et juin 2016, leur avis sur leur vie. Exceptionnels parce que pour la première fois, les résultats permettent de différencier la perception des enfants selon leur lieu d’habitation et de recueillir des données rarement collectées.
Quelles sont les différences de perception des enfants en matière d’éducation, d’accès aux activités et aux savoirs, de respect de leurs droits, mais aussi en termes d’amitié et de soutien parental, selon qu’ils habitent en centre-ville, en quartier populaire ou en quartier prioritaire ? Les réponses aux 163 questions, analysées par le sociologue Serge Paugam et le regard d’haptothérapeute de Catherine Dolto, ont permis d’explorer l’ensemble de ces thématiques.
Des conclusions étonnantes, loin des clichés
Les enfants des quartiers prioritaires désinvestis de leur scolarité ? Plus de 60 % se disent angoissés de ne pas réussir à l’école marquant ainsi leur intérêt pour l’éducation et leur préoccupation pour l’avenir. Isolés, avec des entourages en faillite et dépassés ? Ils sont plus de 67 % à déclarer pouvoir trouver de l’aide en cas de besoin dans leur quartier et près de 42 % à affirmer avoir une famille à proximité. 71 % s’entendent bien avec leurs voisins et 44 % estiment être valorisés par leurs amis. Enfin, 67 % et 55 % déclarent être valorisés par leur mère et leur père. Des chiffres frappants, bien supérieurs à ceux des quartiers plus aisés.
Un constat pourtant sans appel
L’enquête montre que les enfants et adolescents des quartiers prioritaires cumulent des inégalités. L’ensemble de ces privations et difficultés d’intégration engendrent un sentiment de dévalorisation de soi et une perte de confiance dans l’avenir. Dès 6 ans et dans ces quartiers plus qu’ailleurs, 54 % des enfants témoignent d’un manque d’accès aux savoirs, 41 % d’un manque d’activités culturelles ou de loisirs, 22 % sont en situation de privation matérielle et 28 % en situation de privation d’accès aux soins.
L’analyse démontre que le cumul de ces inégalités matérielles et la perte de confiance sont autant de facteurs aggravant les situations que l’enfant peut vivre : discrimination ethnique ou religieuse, harcèlement sur internet ou dans le quartier. Les enfants et adolescents privés d’activités extrascolaires, ont ainsi près de 4 fois plus de risques d’être angoissés de ne pas réussir à l’école.
Plus grave, ces enfants perçoivent très tôt qu’ils n’ont pas les mêmes chances que les autres : ils sont près de 13 % à estimer que leurs droits ne sont pas respectés dans leur quartier, 7 % estiment qu’ils ne le sont pas non plus en France, soit 2 fois plus que ceux qui vivent en centre-ville !
« Certains enfants et adolescents intériorisent très tôt le sentiment d’être dévalorisés, peu respectés par les institutions, notamment l’école. Ils grandissent en ayant intériorisé l’idée de l’injustice », souligne Serge Paugam.
« L’intériorisation des injustices provoque soit une soumission génératrice de retrait et de repli sur soi-même avec déni de ses propres capacités, soit une révolte contre cette société qui ne sait pas voir les potentialités et le désir d’apprendre. Dans les deux cas, la société perd une intelligence qui s’éteint ou s’égare », ajoute Catherine Dolto.
Les 6-18 ans, experts de leur quotidien, pour penser des solutions adaptées
La consultation ouvre des perspectives identifiées par les enfants eux-mêmes, comme par exemple :
- mener des actions pour développer les activités en dehors de l’école, les rendre plus accessibles pour mieux préparer à la réussite scolaire.
- renforcer le lien entre l’école et le quartier, ce qui implique de valoriser les parents dans leur rôle éducatif. Tout ce qui peut conduire à réduire la distance entre l’univers scolaire et l’univers domestique permet de lutter contre ces formes nouvelles de disqualification sociale.